Chater, c'est tromper ?
A l‘heure de la réalité virtuelle, qu’en est-il de la notion de fidélité ? Les échanges de vidéos, de photos ou de mails à caractère sexuel avec une autre personne que son.sa conjoint.e peuvent-ils être considérés comme une tromperie ? Que dit la loi, l’éthique ou l’amour-propre à ce sujet ? Un billet en quête de vérités ! S’il est plus facile et déculpabilisant d’avoir des relations extra-conjugales au travers d’un écran, cela n’en est-il pas pour autant une infidélité ? La tromperie existe-t-elle uniquement lors de relations charnelles ? Ou implique-t-elle aussi et surtout nos esprits et nos valeurs morales ?
Ce que dit la loi sur l’adultère numérique
Un conjoint commet-il un adultère si ce dernier est uniquement virtuel ? C’est la jurisprudence qui a dû trancher (la définition d’adultère n’ayant pas pris en compte ces nouvelles problématiques).
En l’état, la réponse est oui.
Les échanges de courriers électroniques avec une autre personne ont été jugés condamnables : «Attendu (…) que les « mails » équivoques échangés (…) par l’épouse avec un certain nombre de correspondants masculins (…) établissent un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage ». Ainsi, même dans le cas d’une relation platonique, qui n’a pas donc pas été consommée charnellement, la loi a retenu ce « comportement juridiquement qualifiable d’infidèle ». Idem pour une inscription sur un site de rencontres. Quant à la fréquentation soutenue de sites pornographiques, bien que cela soit plus discutable, elle a également posé des torts à celui qui en abusait dans le cadre d’un divorce. Bref, les juges n’hésitent pas à retenir les torts exclusifs du conjoint qui aura été moralement infidèle à son partenaire. Alors, suivez le conseil d’Anthony Berger, avocat à la cour, et faites « attention à vos claviers », qui ont démultiplié les conflits de couple. Outre le droit, que dit l’éthique sur la tromperie numérique ?
Infidélité en ligne : l’avis d’un psy
Selon Alain Héril, psychothérapeute et sexologue, on peut bien sûr parler d’infidélité. « Quand, dans un couple, l’un des partenaires commence à se cacher, à consacrer du temps à un ou une autre, même via l’ordinateur, il se désinvestit de l’espace intime. Et en dépossède également celui ou celle qui vit avec lui ». Cela induirait de surcroit une sexualité très narcissique, car comme le précise le psychothérapeute, au final : « On ne le fait qu’avec soi. » Enfin, ces adultères virtuels engendrent un comportement d’autant plus addictif que l’effort à fournir pour tromper est moindre : il suffit de cliquer. Ce qui est une menace supplémentaire pour le couple, celui-ci pouvant finir par passer après « la drogue ».
Une pratique à juger au cas par cas
Beaucoup d’utilisateurs/utilisatrices de sites de rencontres/pornographiques ne vont pas jusqu’à la concrétisation de leur tromperie. Ils sont donc nombreux à estimer qu’il n’y a pas d’adultère commis puisque celui-ci n’est pas tangible, éprouvé physiquement. Tant que la relation ne franchit pas l’écran, la tromperie n’est pas perçue comme véritable. Malheureusement, c’est une thèse très bancale, les frontières entre ces deux mondes étant de plus en plus floues. Oui, mais… ça permet de pallier un manque ou d’exorciser des fantasmes trop lourds. Pour la majorité des infidèles (virtuels ou réels), les relations extra-conjugales sont justifiables par un manque au sein du couple. Les relations sexuelles avec leur partenaire étant jugées trop peu fréquentes, ils/elles assouvissent leur besoin ailleurs. Pour d’autres, cela sert d’exutoire : leurs fantasmes ne pouvant être réalisés dans le réel et avec leur partenaire. Dans « la vraie vie » ça dépend donc de l’autre. Et cela se juge au cas par cas. Il semble que certaines personnes ne voient pas d’inconvénients à ce que leur moitié flirte online et ce pour différentes raisons : soit parce que ça les soulage de ne pas avoir à répondre aux attentes sexuelles de leur conjoint.e (parfois estimées trop élevées), soit parce que la relation n’en souffre pas et que cela n’entache pas leurs rapports sexuels personnels, soit parce que ces personnes se disent qu’il vaut mieux ça que des relations en chair et en os (mais là c’est un peu la psychologie du désespoir, non ?). Au final, disons que tant que l’autre est au courant, qu’il/elle accepte et qu’il/elle ne souffre pas des écarts de son.sa partenaire, pas de souci ! Dans tous les autres cas : chater, c’est tromper. On ne peut pas renier ses responsabilités au prétexte qu’il n’y a pas eu de rapports charnels, cela est clair. En revanche rien ne nous interdit de rêver et de fantasmer, d’exercer tout à loisir notre liberté… De penser !
Source: santemagazine.fr
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