Mariage: se jurer fidélité a-t-il encore du sens?

A l'heure où un mariage sur trois se solde par un divorce, où Internet multiplie les possibilités de rencontres, que signifie se jurer fidélité, que ce soit à la mairie ou religieusement?

En affichage quatre par trois, dans nos villes, un site nous invite (en toute discrétion, bien sûr) à tromper notre conjoint. Des articles nous vendent le polyamour comme une source d'épanouissement personnel et sexuel. En 2013, nous rappelle l'INSEE, 125.000 unions se sont terminées par un divorce. Et pourtant, à la mairie comme à l'église, lors du consentement, les futurs époux continuent de se promettre fidélité.  

"D'ailleurs, note Agathe, 28 ans, c'est toujours ce passage qui est choisi dans les films ou les séries pour évoquer le moment du mariage... C'est dire s'il est emblématique!" On peut certes se laisser emporter par la vision romantique du serment - "on s'aimera jusqu'à la mort"-, mais quel sens accorder à ce mot, au-delà de la belle promesse et dans le monde d'aujourd'hui? 

Le point de vue de l'avocate

Retour aux fondamentaux: la fidélité est inscrite dans le Code Civil, très exactement à l'article 212, lu lors de la cérémonie en mairie: "Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance". Pourquoi la loi se mêlerait-elle d'une question éminemment privée, en l'occurrence, savoir si l'autre a le droit ou non d'aller voir ailleurs? Pour Agathe, il n'est pas question ici d'intrusion: "Pourquoi la morale appartiendrait-elle uniquement au registre religieux ?". 

Avocate spécialisée en droit de la famille, Me Nolwenn Leroux a un regard plus pragmatique et historique: "N'oublions pas que le Code Civil date de 1804. Il était alors impossible d'avoir une preuve biologique de paternité. A l'époque, cette mise en avant de la fidélité indique que l'enfant né dans le cadre du mariage est celui du père et garantit donc la filiation." 

D'autant que, souligne l'avocate, "le mariage n'est pas un contrat mais une institution". Il se doit donc d'être le moment où se prend un engagement solennel -empreint de valeurs morales- devant un représentant de l'Etat, l'officier d'état civil. Comme le rappelle Me Leroux, "le choix de se marier inclut un ensemble de droits et de devoirs. On est libre de choisir une autre forme. Le concubinage où l'on ne doit rien à l'autre, ou encore le PACS qui organise la vie matérielle. Mais opter pour le mariage sous-entend qu'on adhère au 'package'". Dont fait partie la fidélité. 

Le point de vue de la psy

Deux semaines avant leur mariage, Prune et Hugo ont pris une soirée pour discuter, tous les deux, de ce qu'induisait leur union. "Evidemment, la fidélité est vite arrivée sur le tapis, sourit-elle. On est tombés d'accord. Evidemment, une liaison extra-conjugale n'est pas souhaitable, mais on ne se dit pas que ça ne peut pas arriver. Et auquel cas, on s'arrange pour que l'autre n'en sache rien et ne soit pas blessé."  

Pour Caroline Kruse, conseillère conjugale, il est essentiel de se mettre d'accord en amont sur le sens qu'on appose au mot fidélité. "La dissociation entre fidélité sexuelle et sentimentale est possible. Et d'ailleurs toutes les configurations sont possibles à condition qu'il y ait un accord conscient ou inconscient entre les deux partenaires pour qu'il en soit ainsi. Ce n'est pas une question de morale mais de respect mutuel", estime-t-elle. 
Pour Caroline Kruse, il ne faut pas non plus négliger la dimension protectrice que peut recouvrir le fait de se prêter serment devant une instance civile et, éventuellement, religieuse. "L'engagement à la personne est en quelque sorte redoublé ou plus exactement encadré par l'engagement à l'institution. Dans ce cas, il y a comme une sorte de double protection, de double barrière."  

Et quand bien même cette barrière serait-elle franchie, le pouvoir de ce serment de fidélité n'en est pas pour autant dissous. "Cela explique que beaucoup de relations extraconjugales ne rompent pas le mariage et que certaines mêmes, sinon le renforcent, du moins lui permettent de perdurer", note-t-elle.  

C'est le constat dressé par Coralie, 38 ans: "Au bout de dix ans de mariage, j'ai débuté un flirt avec un collègue de bureau. Avec le recul, je suis sûre que l'engagement pris vis-à-vis de Stéphane m'a empêchée de franchir la ligne jaune. Quelle valeur avait notre mariage si je ne me tenais pas aux promesses que nous nous étions faites ce jour-là? Celle d'une simple réception mondaine?" ...Lire plus sur Lexpress.fr