Je n'arrive pas à dire je t'aime à mes enfants, c'est grave ?
Dire un simple "je t'aime" ne vient pas facilement et, surtout, il ne vient pas de soi. Pourquoi est-ce si ardu pour certains parents de confesser ce sentiment aussi intime que profond à la "chair de leur chair" ? Un pédopsychiatre et un psychopédagogue nous éclairent.
"Je t'aime" est sans doute la phrase la plus belle à entendre dans la vie, la plus consolatrice à écouter dans une chanson... mais elle est aussi la plus compliquée à dire. Bien sûr, il y a le "je t'aime" de la passion amoureuse qui traduit le désir, l’amour... sur lequel souvent chacun achoppe et que l'on dit inhibé par la peur de la réaction de l'autre. Mais il y a aussi et surtout le "je t'aime", plus complexe, de la relation parent-enfant qui, parfois, ne vient pas naturellement chez les parents.
Selon le psychopédagogue Alain Sotto, sollicité par LCI, ce "je t'aime" reste très difficile à prononcer pour les hommes "pour des raisons générationnelles et culturelles" : "On a beau trouver clichée cette idée selon laquelle les petites filles disent plus facilement "je t'aime" que les petits garçons, elle n'en reste pas moins avérée. Dans notre société et selon nos cultures, pour certains garçons, dire "je t’aime", c’est trop se montrer, trop dévoiler ses sentiments." Une pudeur liée à l’éducation et héritée de la génération de nos grands-parents qui, "s'ils ne verbalisaient pas facilement le "je t'aime", n'en aimaient pas moins leurs enfants."
Selon le pédopsychiatre Stéphane Clerget, auteur du Pédopsy de poche, cette retenue explique aussi pourquoi certains parents, même en 2019, ne disent pas facilement "je t’aime" à leur enfant, citant d'ailleurs son propre cas : "Je fais partie de ceux qui n’ont jamais dit "je t’aime" à leur enfant et à qui les parents n’ont jamais dit "je t’aime". Et d’autres gens sont dans mon cas. Pour autant, ce n'est pas parce que l'on ne dit pas "je t'aime" à son enfant qu'il n'y a pas d'amour ou de compliments adressés à son endroit, bien au contraire."
Pour certains, cette "absence de je t'aime" peut aussi tenir d'une distinction simple, à savoir le "je t’aime" strictement réservé aux partenaires amoureux : "Certains parents ne veulent pas dire "je t'aime" à leurs enfants parce qu'ils le réservent à leur partenaire, poursuit Stéphane Clerget. C'est plus un refus de mettre l'enfant à la place du partenaire amoureux, de la même façon qu'on n’embrasse pas son enfant sur la bouche."
Les actes plus forts que la parole
Déculpabilisons les parents en panne de "je t'aime". Si cette phrase ne vient pas naturellement, inutile de se forcer : "Dire "je t’aime" à son enfant ne veut pas dire qu’on l’aime plus, poursuit le pédopsychiatre. La vraie question à poser n’est pas tant de savoir combien de fois il faut lui dire "je t’aime" par mois, mais se demander si, par exemple, dans sa conduite au quotidien, on assure la sécurité de son enfant. Si on lui fait des câlins quand il en a besoin. Si on le valorise comme on devrait…" Et dire "je t'aime" jusqu'à l’écœurement ne signifie parfois rien : "La vraie valeur d’un amour, ce n’est pas tant dans la parole que dans les actes."
Alain Sotto poursuit sur cette ligne : "Plus que de "je t'aime", l'enfant a surtout besoin d’un attachement sécurisant et donc d'être en présence d'un parent sécurisant". Soit, selon la définition de Marie-Dominique Amy dans son livre La sécurité affective de l’enfant (Jouvence éditions), "un pilier qui ne s’écroule pas quelles que soient les circonstances, qui connait l’indulgence et le pardon mais qui sait aussi être intraitable et qui peut à la fois aimer et interdire, éduquer et jouer, rire et gronder". Une sécurité affective instaurant un environnement épanouissant pour l'enfant.
Source : lci.fr
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