J`ai dit « non » à mon copain, il m`a violée sans vouloir m`écouter
On est un dimanche soir, et j’ai passé un sacré paquet de minutes à chialer seule dans mon appartement.
Mon amoureux vient de partir violemment, ou de fuir plutôt, parce que nous sommes dans une situation d’une violence terrible, à laquelle nous ne trouvons pas de solution.
Sa solution à lui c’est la fuite, alors il me laisse seule avec le silence plutôt que d’avoir à l’affronter.
Un couple qui s’aime très fort
Pour trouver l’origine de tout ce malaise, il ne faut pas remonter bien loin. Simplement au matin de ce même dimanche.
On est chez lui, on se réveille avec un soleil magnifique, de ces premiers soleils de printemps qui nous réchauffent le coeur et le corps.
La veille, on l’a passée à faire l’amour. Il faut dire que cela fait peu de temps que nous sommes ensemble, le désir nous fait parfois perdre la notion du temps.
Nous sommes lui et moi à l’aise avec le sexe, avec ce qu’on veut, ce qu’on ne veut pas, ce qu’on aime et ce qu’on aime pas.
Notre rencontre a été fulgurante quelques semaines plus tôt, et lui comme moi avons la sensation d’une rencontre unique, qui n’arrive pas deux fois dans une vie.
Je n’ai jamais aimé à un point tel, et lui non plus.
C’en est d’ailleurs presque effrayant au départ parce que tout va très vite et qu’on a chacun cette sensation d’osmose et d’harmonie totale qui peut donner le vertige. Mais on avance et chaque jour est plus beau que le précédent.
Un dimanche matin en amoureux
Tout va bien donc, et on se réveille ce dimanche comme d’habitude avec le sourire et l’envie de faire plein de choses ensemble.
On profite l’un de l’autre encore pendant quelques temps avant que je ne parte sur un contrat à l’étranger pour plusieurs mois. Alors les instants que l’on a ensemble sont précieux, et on se crée des souvenirs au maximum.
On est un peu pressés par le temps ce matin-là parce qu’on doit prendre un train.
L’heure du départ approche et on se dépêche tous les deux de se préparer.
Je suis prête et lui est sous la douche. En sortant, il me dit depuis la salle de bain :
« Tu crois qu’on a le temps de faire l’amour avant de partir ? »
Je dois avouer que de mon côté, l’envie n’est pas au rendez-vous et je lui réponds avec humour « oh lala, moi là j’en peux plus, j’ai pas très envie et puis il faudrait qu’on y aille à toute vitesse et toi t’aimes pas ça » (je sais que dans ce domaine il aime prendre son temps et connais son peu de motivation à se presser en terme de sexe).
Faire l’amour ? « C’est pas le moment »
Je le vois alors sortir de la salle de bain avec un grand sourire, en me disant :
« Oh si, allez, pour une fois on va faire ça vite fait ».
Il se met à me déshabiller, ça me fait rire, je le laisse faire, tout en lui disant tendrement que là, pour moi c’est pas le moment.
Il ne m’écoute pas, ne m’entend pas
Il n’entend pas mes mots, et me montre son érection tout en commençant à me caresser pour tester ma réaction.
Je fais la moue, je lui dis que ça m’embête un peu, que je ne suis pas dans le mood, là maintenant, mais je vois qu’il n’entend pas.
Je me désintéresse un peu, je me souviens vouloir mettre un morceau de Mozart sur mon téléphone, mais lui continue ses caresses qui me deviennent vraiment désagréables.
Et puis je m’entends lui dire dans un soupir, « puisque je n’ai pas le choix de toute façon »…
Je le laisse me pénétrer
Résignée, je le laisse me pénétrer. Ça ne me procure aucun plaisir, ça me fait presque mal, ce n’est pas l’horreur non plus, mais je n’ai juste pas envie, et je me force.
Au bout de deux minutes je finis par avoir mal et le lui dis.
Il s’excuse et s’arrête quelques instants, tout en restant en moi, puis reprend de plus belle, comme englouti par son désir qui n’entend rien de ma gêne.
Un viol à la fois banal et terrible
Ça fini par faire très mal, ça me dégoûte, mais je n’arrive à me résoudre à le repousser qu’après quelques minutes en lui disant violemment d’arrêter.
J’ai tout d’un coup l’impression qu’il revient à la réalité, qu’il se rend compte… Il se relève, se rhabille et file préparer son sac, comme si de rien n’était.
Moi je reste prostrée sur le lit, je ne comprends pas trop ce qu’il vient de se passer, mais je n’ai la force de faire aucun mouvement. Je me sens d’un coup déphasée, comme séparée de mon corps.
J’ai la sensation que quelque chose d’à la fois tout à fait banal et tout à fait terrible vient de se produire.
Lui il continue de s’activer, moi j’essaye de bouger mais je n’y arrive pas. Je veux me rhabiller, mais c’est au-dessus de mes forces et je n’arrive pas à comprendre pourquoi.
Le viol dans un jeune couple est arrivé
Il finit par venir près de moi, me prend dans ses bras et s’excuse de toutes ses forces. Une fois contre lui, j’explose en sanglots, incapable de retenir mes larmes.
Il me serre contre lui, je le sens tout aussi perdu que moi, et puis il finit par me dire qu’il faut se dépêcher, que sinon on va louper le train.
J’explose de colère intérieurement. Comment peut-il me dire cela alors que notre retard a été provoqué par lui, par son incapacité à contrôler son désir ?
Dans le train, je suis un mur de silence, j’essaye de comprendre ce qui vient de nous arriver.
À la gare, en sortant du train, il aide une dame âgée à porter ses affaires dans les escaliers. À nouveau je me mets à bouillir intérieurement : tant d’attention pour une inconnue alors qu’il a été incapable d’entendre mon malaise quelques heures plus tôt.
Je rentre chez moi sans lui, il file à un cours de sport. Je fonds en larmes dans le métro. J’arrive chez moi. Il m’appelle, il me dit de le rejoindre. Il aimerait que je vienne, qu’on essaye de faire une activité ensemble, pour se retrouver autrement.
La salle est juste à côté et je me dis que c’est sans doute un signe du destin. Je le rejoins. On se retrouve, on rit même, la connexion est toujours là et ça me rassure.
Le viol dans un jeune couple : la culpabilisation
Pourtant la colère ne passe pas, on sort et je bouillonne encore, lui essaye de mettre des mots pour occuper le silence.
Il me dit qu’il comprend que ce qu’il a fait est impossible, qu’il a brisé quelque chose chez moi, que peut-être ce qui s’est passé me ramène à cet abus lorsque j’avais 7 ans et me fait revivre le passé.
Je lui oppose que ce n’est pas parce que le passé resurgit que je suis mal (ce sont des souffrances que j’ai apaisées et qui ne me définissent plus).
C’est la situation présente qui est insupportable.
Ne pas dire assez « non » ?
Ce qu’il a fait est déjà, en soi, assez intolérable pour m’anéantir. Il peine à l’entendre, commence à nier ce qu’il reconnaissait quelques minutes plus tôt.
Me dit que je n’ai pas assez dit « non », qu’il aurait fallu que je sois plus claire.
Je finis pas exploser et lui crie :
« Je fais comment moi maintenant ? L’homme que j’aime et avec qui je me vois passer le reste de ma vie a abusé de moi ! Et je ne peux rien faire, ni contre mon amour, ni contre ma douleur. »
Silence.
Il tente une dernière fois de me demander ce qu’il peut me dire, pour me faire aller mieux.
Je lui dis qu’il ne peut rien dire, qu’il me faut un peu de temps pour trouver, moi, les mots que je veux lui dire, que j’espère que tout n’est pas brisé.
Il attend quelques secondes, puis se lève en me disant : « je m’en vais, de toute façon là on avance pas ».
Aimer le violeur, une situation courante
Et on en arrive à cet instant. Où depuis le début de l’écriture de ce texte les heures ont passé. J’ai séché mes larmes et le jour a faibli.
Peut-être aussi, la douleur s’est elle un peu estompée, car j’ai écrit des mots qui l’apaisent.
Je ressens dans ma chair la violence extrême de ce qu’il s’est passé. Et plus violente encore, la culpabilité d’aimer celui qui m’a fait mal.
Car je l’aime, encore, et d’un amour si puissant, que je le hais d’autant plus d’avoir osé me faire ça…
Je me sens dans une situation extraordinairement banale : celle d’une femme amoureuse, que celui qu’elle aime n’entend pas.
Alors que jamais il n’aurait pensé me faire du mal, que jamais entre nous il n’y a eu de violence, que notre relation toute entière s’est construite sur une écoute mutuelle et un respect total… ce jour-là, il n’a pas entendu.
Le mythe du violeur inconnu
Dans 78% à 88% des cas de viols, l’agresseur est connu de la victime,selon une étude Ifop relayée par France Info en février 2018.
Le viol arrive le plus souvent dans le cercle proche de la victime et non pas dans la rue, la nuit et perpétré par un inconnu contrairement à certaines idées reçues.
Toutes les questions que la victime de viol se pose
Alors, la question que je me pose ce n’est pas comment s’en sortir après un évènement de ce genre, ou comment faire face ; car la douleur s’efface et je refuserai qu’elle me définisse.
La question, avec laquelle je suis seule, ce soir c’est celle de savoir comment je vais pouvoir continuer à aimer l’homme dont je suis amoureuse après cela.
C’est aussi celle de savoir pourquoi je l’aime encore, alors que cela aurait pu tout anéantir. Ai-je encore le droit de l’aimer ?
C’est la question qui résonne dans le silence. Celle aussi de savoir pourquoi j’ai un moment eu la sensation que je lui devais du sexe.
Que peut-être si j’avais su mieux lui dire « non » on en serait pas là… je ne sais pas.
En parler pour que d’autres sachent qu’elles ne sont pas seules
Je ne t’écris pas, madmoiZelle, pour avoir une réponse à ces questions car je suis bien la seule à pouvoir y répondre. Et puis je sais aussi qu’aimer quelqu’un, si ça se pensait en terme de droit, ou de pensée rationnelle, on le saurait depuis longtemps.
J’ai surtout voulu t’écrire parce que j’ai eu la sensation que sans doute, beaucoup de filles, jeunes filles, femmes auront peut-être des histoires semblables.
Que peut-être elle aussi se demandent comment faire lorsqu’au coeur d’un amour sincère vient surgir la violence.
Je ne parle pas ici de violences conjugales répétées, qui s’effectuent au sein d’un climat déjà agressif, où la peur et la contrainte régissent les rapports.
Mais justement d’une violence si inattendue qu’elle lamine tout sur son passage. Celle qui intervient sans même prévenir son auteur, comme un orage au-dessus d’une mer calme.
Le bilan après un viol dans le couple
J’espérais pouvoir continuer à naviguer, et à aimer cet homme, si compliqué cela soit-il. Quelques mois après, les choses ont bien changé.
J’ai fini par me séparer de cet homme qui s’est révélé être abusif dans tous les domaines.
Malgré tout je crois que cette relation m’a permis d’avancer et de me confronter un peu à moi.
Pourquoi suis-je attirée par des hommes violents ?
Cela m’a permis d’enfin comprendre ce qui me poussait systématiquement à me diriger vers des hommes abusifs, violents ou manipulateurs.
Ce qui me faisait avancer délibérément dans ces relations malgré des signaux d’alarmes dont je me rendais la plupart du temps moi-même plus ou moins responsable.
J’acceptais les choses parce que je me persuadais que, d’une façon ou d’une autre, c’était de ma faute. Cette histoire m’a mise face aux vides que je comblais à travers des relations toxiques.
Et malgré la trouille que j’ai de la solitude, j’ai accepté qu’elle valait mille fois mieux qu’un amour qui fait mal.
Mon agresseur comprendra-t-il un jour qu’il m’a violée ?
Il y a aussi une chose que je note, c’est que ce mec, j’ai eu beau lui expliquer ma douleur, je pense qu’il n’a jamais compris ce que son comportement avait eu comme impact sur moi.
Il ne le sait toujours pas. Peut-être qu’il le reproduira avec une autre, ou que ça avait déjà eu lieu sans même qu’il s’en rende compte, sans même que ça lui ai été dit comme moi je l’ai fait.
On n’a pas vécu la même histoire, et ça s’est joué à pas grand-chose.
Et c’est pour ça que c’est hyper important, pour les mecs comme pour les nanas, de s’assurer que tout le monde est bien d’accord quand il s’agit de sexe. Même si ça se produit avec une personne avec qui on vit depuis des années.
Parce qu’on peut passer en quelques secondes d’un acte d’amour, à un acte de violence pour l’un des partenaires.
Simplement demander « est-ce que tu en a envie ? ».
Simplement poser cette question, c’est aussi autoriser l’autre à ne pas se sentir « obligé ou obligée ». À ne pas être dans le devoir.
Source mademoiselle.com
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