Dur d’être une nappy girl
Lors de la cérémonie des Oscars en février 2012, l’actrice afro-américaine Viola Davis, qui joue le rôle d’Aibileen Clark dans le film The Help et était nominée pour l’Oscar de la meilleure actrice, a surpris tout le monde par son arrivée à la cérémonie de récompenses cinématographiques, les cheveux courts et naturels. Ainsi qu’elle l’a expliqué aux nombreux journalistes venus l’interviewer, suivant le conseil de son époux, elle avait décidé de faire preuve d’audace et d’affirmer qui elle est. En effet, un peu plus d’une année après avoir franchi le pas, je constate qu’il faut beaucoup de courage pour être “nappy” ou n’happy, dans une société qui continue de valoriser principalement des canons de beauté occidentale, particulièrement les cheveux longs et lisses.
Prise pratiquement sur un coup de tête après une discussion avec un groupe de jeunes étudiantes camerounaises rencontrées le temps d’une visite à Dakar au Sénégal, ma décision de devenir “nappy” relevait un peu du désespoir. Après plus de vingt années passées à défriser mes cheveux pour des raisons prétendument pratiques, il devenait difficile de les voir de plus en plus s’affiner en dépit de traitements divers. Encouragée par le fier afro et les témoignages des plus imagés de mes jeunes compatriotes, je fus rapidement convaincue que des cheveux naturels ne pouvaient qu’être des cheveux heureux!
Je compris qu’il me faudrait passer par une phase de transition; faire désormais extrêmement attention à éviter tout produit “dangereux” dont la composition inclurait des parabènes et autre gelée de pétrole; et surtout envisager avec beaucoup de courage mon “big chop” – le moment où je me débarrasserais enfin de mes mèches défrisées. Je repartis de Dakar la tête remplie de mes nouvelles convictions, certaine que je grandirais bientôt les rangs des filles n’happy, les filles naturelles et heureuses.
Evoluant dans un environnement de travail dont le formalisme excessif prend quelque recul durant les mois d’été, je me résolus à porter mes cheveux au naturel dès le mois de juillet. De mes collègues de travail non africains, je me souviens essentiellement de la surprise de découvrir que, jusque-là, mes belles et longues tresses étaient en fait des extensions. Je ne manquai pas de déceler quelques signes de curiosité amusée. De mon unique collègue africaine, je retiens également le commentaire fraîchement honnête que nos cheveux naturels ne sont pas beaux et par contre difficiles à entretenir; commentaire suivi d’un conseil de rapidement me faire coiffer. Je ne pus m’empêcher de suivre ce conseil amical dès le week-end qui suivait et ai depuis décidé de ne plus retourner au bureau coiffée de mon mini afro.
Ma collègue, qui a effectivement opté pour un défrisage régulier, n’est pas la seule à éprouver une sorte de gêne quant aux cheveux africains naturels. Lors de récentes vacances au Cameroun, ma famille eut également la surprise de découvrir mon nouveau style capillaire. Du commentaire chargé d’ironie sur la durée de ma dernière lubie aux encouragements à continuer, en admettant qu’on n’aurait soi-même jamais le courage de se lancer dans une telle entreprise, les effets de mon passage aux cheveux naturels étaient des plus variés. Toutefois, les réactions les plus surprenantes étaient encore celles de coiffeuses, dont certaines ne semblaient pas comprendre qu’on puisse vouloir garder ainsi une masse de cheveux crépus.
Quel courage en effet faut-il pour continuer de garder ses cheveux de la manière qui paraît pourtant la plus saine possible. Les nombreux blogs et vidéos sur Youtube ne manquent pas de délivrer des conseils généreux sur l’entretien de nos cheveux. Et alors même que le nombre de femmes d’origine africaine qui ont décidé de garder leurs boucles naturelles ne cesse d’augmenter, il reste encore difficile, particulièrement dans un environnement de travail où la couleur de notre peau est déjà un signe visible d’exotisme, de braver les canons réguliers de beauté et s’afficher avec un afro.
L’exemple de Viola Davis est encourageant. En Afrique, des personnalités telles que la chanteuse Angélique Kidjo, mais aussi des femmes politiques à l’instar de la Mozambicaine Graca Machel et la ministre sud-africaine des Relations internationales, Maité Nkoana-Mashabane, sont d’autres symboles actuels d’affirmation de la beauté noire, qui est également synonyme d’acceptation et de mise en valeur de nos caractéristiques physiques naturelles.
En pleine année électorale aux États unis, je me suis récemment demandé si les électeurs américains seraient prêts à réélire le Président Obama au cas où son épouse Michelle décidait de laisser ses cheveux et ceux de ses filles complètement naturels. Alors même qu’il ne s’agirait certainement pas d’un critère sérieux de vote, je crains que cela ne soit pas encore possible. Une Michelle O. portant un afro susciterait sans doute de vives réactions à la fois des nombreux Afro-Américains qui ont depuis longtemps opté pour des cheveux lisses, et de tous les autres qui ne se reconnaîtraient pas dans cette image. Est-ce donc à dire qu’être naturelle continue d’être anticonformiste? Je me pose la question.
En attendant d’y trouver une réponse, et aussi le courage de porter fièrement mon afro, je continue d’utiliser mes extensions made in China pour des tresses qui me permettent d’évoluer plus aisément dans mon milieu social et de travail, tout en me rapprochant de ce que je suis.
Source : Oramagonline.com
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