Tendances : le style nappy, quand la coiffure afro revient à la mode
Depuis quelques temps, la coiffure des jeunes filles est en train de subir le phénomène des « Nappy girls », (phénomène lancé par des filles en Amérique et qui ont renoncé aux artifices en affichant leurs cheveux naturels). Cette tendance provoque en réalité un retour vers une ancienne mode des Africaines avec les cheveux simplement peignés en mode « afro ». Nombreuses sont les filles qui ont laissé tomber les défrisages, tissages, rajouts, au profit des perruques. Nous sommes allés voir de plus près cette nouvelle tendance.
Il n’y a pas l’ombre d’un doute, la coiffure « afro » est bien de retour sous nos cieux. Cette coiffure des années 1960 et 1970 est à nouveau à la mode pour certaines filles. Il suffit de sillonner les artères de la capitale pour s’en apercevoir. Dans les « seventies », la coupe « afro » fut un symbole de fierté noire et exprimait la volonté de ne plus être dépréciée par les Blancs. Aujourd’hui au Sénégal, ce style est revenu à la mode sous forme de perruques portées par de nombreuses jeunes femmes. Elles sont prises dans le phénomène des Nappy girls. Rencontrée à la Sicap Sacré cœur 3, Khoudia Tall confie qu’elles suivent cette mode des « Nappy girls » qui sont des femmes noires aux Etats-Unis et en Europe qui ont décidé de revenir à leurs cheveux naturels.
« En réalité, c’est cette mode que nous subissons. La preuve, la majeure partie des perruques « afro » que les filles portent viennent soit de l’Europe ou des Etats-Unis », indique-t-elle. Avant de poursuivre, « la mienne ; c’est ma sœur qui me l’a envoyée des Etats-Unis. Je la porte en allant au travail.
Khoudia Tall trouve que c’est une perruque très stylée. « Ce n’est pas lourd. Elle est confectionnée de telle sorte que quand tu la mets, tu ne sens pas trop la chaleur. Alors qu’avec les autres perruques, tu as toujours l’impression que c’est un fardeau que tu as sur la tête », confie-t-elle. Non sans préciser qu’elle aime beaucoup cette nouvelle coiffure. « Elle est assortie avec toutes sorte de tenues, que ce soit la tenue de ville ou celle traditionnelle. Elle est vraiment « up fashion », lance-t-elle avec le sourire aux coins des lèvres. Habitante de la cité Fadia, Fatma Sy soutient qu’elle met la perruque « afro » et se considère comme une « fashion victim’s ». « Je reste collée à la mode. Chaque fois que je vois quelque chose à la mode, je m’y mets », dit-elle. Elle avance qu’elle a vu cette coiffure pour la première fois avec la chanteuse Adji Ouza, dans un clip à télévision.
« Depuis lors, j’ai beaucoup aimé et apprécié cette nouvelle coiffure. Par la suite, j’ai su qu’on vendait ce type de perruque dans une boutique à Touba Sandaga, je suis partie m’en procurer pour 8.000 FCfa. C’est ce que je mets toujours sur ma tête », souligne-t-elle. La dame Fatma trouve aussi que c’est un joli look et qu’il est très confortable avec l’été. « Les gens portent de plus en plus cette perruque pour éviter la chaleur ». « C’est une belle coiffure qui nous rappelle la coupe de nos mères des années 1960, 70, à la seule différence qu’elles se coiffaient ainsi avec leurs cheveux naturels », renchérit Awa Yoyo Ndiaye, à la cité Scat Urbam.
« Avec le phénomène des « Nappy girls », nous avons voulu faire revenir cette mode de coiffure en l’adoptant bien sûr sous forme de perruques », renseigne-t-elle. Awa Ndiaye trouve que c’est même plus pratique car pour faire de vraies « Nappy », il faut un long processus de traitement et dépenser beaucoup d’argent. Alors qu’avec la perruque vendue entre 6.000 FCfa et 8.000 FCfa, il suffit juste de la garder soigneusement pour qu’elle ne soit pas envahie par la poussière.
A côté de ces filles qui portent des perruques, certaines copient sans détour les « Nappy girls ». Elles valorisent leurs cheveux naturels en faisant cette coupe et en les traitant bien pour avoir des cheveux crépus naturels. C’est le cas de Marie Madeleine Dacosta qui arbore avec fierté ses cheveux naturels en afro. « J’ai naturellement beaucoup de cheveux. J’ai juste coupé les bouts pour harmoniser et obtenir une jolie coupe afro », dit-elle avec le sourire. Pointant du doigt sa tête, elle indique que c’est joli et stylé. Toutefois, Mlle Dacosta reconnaît qu’elle prend du temps à la maintenir. « Chaque semaine, je vais dans un salon pour faire du champoing. J’achète et utilise des produits cosmétiques pour maintenir mes cheveux crépus », confie-t-elle. La nouvelle mode « afro » fait l’affaire de certains salons de coiffure qui ont également des commandes de ces perruques.
D’après Astou Combé Faty, gérante du Salon de coiffure à la cité Fadia, la coupe « afro » est maintenant très prisée chez certaines de leurs clients.
« Les femmes trouvent que ces perruques aux cheveux « afro » sont plus adaptées pour l’été car elles ne touchent pas leur nuques. En plus, c’est plus facile pour elles de les mettre en sortant et une fois à la maison, elles l’enlèvent pour permettre à leur cheveux de bien respirer », a-t-elle indiqué.
Risques de cancer de la peau
De son avis, les filles en adoptant une telle coiffure font revenir une coupe qui existait depuis longtemps et faisait la beauté de nos mères.
« C’est la chanteuse Adji Ouza qui a contribué à mettre cette coiffure à la mode. J’ai de nombreuses clientes qui sont adeptes de cette coiffure », a-t-elle confié.Elle précise que ces perruques « afro » sont, pour la plupart, importées, mais certaines sont fabriquées dans les salons de coiffure au Sénégal.
Aïssatou Seck, gérante du salon de coiffure à la Sicap Sacré cœur 3, confirme que la coupe « afro » est en vogue actuellement chez les femmes. « Cela s’explique par le fait que certains clients veulent diminuer l’utilisation des défrisants et valoriser leurs cheveux naturels », fait-elle savoir. Selon Mme Seck, on aurait déclaré cliniquement que les brûlures occasionnelles lors des défrisages pourraient, à la longue, occasionner le cancer de la peau. Selon elle, c’est à cause de cette information que les clients ont tendance à abandonner progressivement les produits défrisants en adoptant ce style « afro », dénommé « nappy ». En développant ce style, les filles reviennent à une ancienne, mais élégante coiffure africaine qui favorisait aussi le développement naturel des cheveux.
Et Pam Grier cacha un revolver dans son « Afro »
L'origine de cette coiffure remonte à l'époque de l'occupation italienne du Kenya, de vastes réseaux de rebelles s'organisèrent pour résister. La coiffure crépue, bouffante et traditionnelle de ces combattants s’impose alors comme un modèle, le style « afro » s’impose dès lors.
L' « Afro » est liée historiquement et sociologiquement à l'histoire des Afro-américains des années 1950/60/70, mais également les Afro-caribéens, les Afro-latinos et bien sûr les Africains. Porter cette coupe avait une symbolique politique et culturelle. La lutte pour les droits civiques et l'affirmation culturelle des descendants d’Africains et le mouvement « Black is beautiful » consacre la culture noire comme indépendante, sous plusieurs aspects et refuse donc la dépendance aux canons de l’époque. Le symbole du peigne « afro » se terminant en « black fist » et disposé dans les cheveux a fait le tour de la planète. L’époque coïncide également avec les indépendances africaines et caribéennes. Cette coupe de cheveux qui s'est répandue dans toute la diaspora mondiale africaine, fut un symbole de fierté des noirs et marquait la volonté de ne plus être dépréciée par les Blancs.
Par ailleurs, avec la cristallisation des affrontements interraciaux des années 1970, avec la doctrine du Black Power lancée entre autres par Malcolm X, cette coupe sera reprise par les « Black Panthers ». Les films de la « Blaxploitation » s’en feront également l’écho avec John Shaft, Slaughter, Foxy Brown (où Pam Grier cachera un revolver dans son « Afro » et éliminera ses ennemis par surprise). Les femmes furent à l'avant-garde de cette affirmation de soi avec Angela Davis, Kathleen Cleaver, Assata Shakur, Aretha Franklin, Tamara Dobson, Diana Ross, Pam Grier.
Le Sénégal sera aussi touché par cette vague de coiffure révolutionnaire. En réalité, nombreuses étaient les femmes qui se coiffaient en « afro » dans les années 1960 et 1970. En atteste l’ancienne reporter-photographe du quotidien « le Soleil », Awa Tounkara. « Je me suis coiffée en « afro » jusque dans les années 1975 », se rappelle-t-elle avec nostalgie. Elle raconte qu’à l’époque, c’était une coiffure très prisée aussi bien par les femmes que par les hommes à cause notamment de la popularité des « Jackson Five », le groupe familial de Michael Jackson.
Awa Tounkara trouve que c’était une coupe aux cheveux naturels très jolie. « En notre temps, ce n’était pas à base de cheveux synthétiques comme c’est souvent le cas actuellement. Nous utilisions nos vrais cheveux que l’ont mettait en valeur », indique-t-elle. « Il suffisait juste d’entretenir les cheveux avec une pommade et de les peigner régulièrement, après on pouvait arranger la coiffure devant une glace pour obtenir l’effet voulue sur la masse des cheveux », se rappelle Awa Tounk
Source : lesoleil.sn
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