Précarité menstruelle en Côte d’Ivoire : quand l’accès aux serviettes hygiéniques demeure un casse-tête
Selon Onu Femmes, plus de deux milliards de femmes ont leurs règles. En Côte d’Ivoire, elles sont des millions à perdre du sang, parfois avec des douleurs inimaginables. Les méthodes de protection de ce flux de sang varient selon les couches sociales. Ainsi l’accès à des serviettes hygiéniques pose souvent problème d’où plusieurs femmes se retrouvent dans une précarité.
Accès difficile mais nécessaire
En effet, la précarité menstruelle désigne la situation dans laquelle des personnes menstruées, souvent en situation de vulnérabilité économique, n'ont pas un accès régulier et adéquat aux produits d'hygiène menstruelle (comme les tampons, les serviettes hygiéniques, les coupes menstruelles) et aux infrastructures nécessaires (comme les toilettes propres et privées).
Il faut souligner que le choix des serviettes se fait pour plusieurs raisons, même si le coût peut être insupportable souvent, certaines le font pour la propreté des serviettes et la facilité avec laquelle elles se portent. Dame Elodie Coulibaly utilise les serviettes jetables pour gagner du temps.
« Elles sont faciles à mettre et sont jetables. Du coup, je gagne en temps et je vaque tranquillement à mes occupations. Il arrive parfois que je me retrouve dans un autre espace que mon domicile pour des formations, les serviettes sont la solution idéale pour moi lorsque j’ai mes menstrues. »
Comme Elodie Coulibaly, plusieurs femmes préfèrent les serviettes hygiéniques jetables, bien que cela ait un coût sur leur budget. En dehors du coût élevé des serviettes (environ 13.000 FCFA par ans), l’utilisation des serviettes peut occasionner des infections.
« Depuis 2017, j’ai commencé avec les serviettes hygiéniques lavables. Tout est parti de ma propre expérience avec les serviettes jetables. Ça m’a produit beaucoup d’infections vaginales et je me suis retrouvée au « kodjo traditionnel » (les morceaux de pagne).
Pour confirmer les dires d’Andrea Avi, Dr Kattie, médecin-gynécologue a relevé plusieurs causes d’infections liées à l’utilisation des serviettes hygiéniques jetables.
« Il existe plusieurs infections dues aux protections menstruelles, on peut citer Le syndrome du choc toxique qui peut être mortel, une mycose, une dermatite vulvaire, des allergies »
Cette situation peut entraîner des conséquences importantes sur la santé, l'éducation, le travail et la vie sociale des femmes.
Plaidoyer pour la jeune fille et la femme en milieu rural
Bien qu’il s’agisse d’un phénomène à la fois naturel et sain, les menstruations dans les cas extrêmes peuvent interrompre la vie de certaines femmes, être un frein aux droits et aux libertés de millions de femmes et de filles, parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’acheter des produits menstruels ou d’avoir accès à des installations sanitaires et d’hygiène. Une autre raison, elles manquent d’éducation et de connaissances pour gérer leur santé et leur hygiène menstruelles.
Selon un rapport de l’UNICEF, une fillette sur 10 ne va pas à l’école pendant ses menstruations, ce qui correspond à 20% du temps scolaire perdu sur une année. Pour les jeunes filles restant en classe, 83% seraient angoissées pendant cette période du fait de spasmes menstruels difficiles à supporter en période menstruelle et aussi de la honte.
« Les serviettes hygiéniques ont un coût en Côte d’Ivoire particulièrement. Ça commence à 500 francs. Le kilo de riz aussi, c’est à peu près 500 francs. Donc les femmes en situation de précarité préfèrent acheter le riz que d’acheter ces serviettes-là pour se protéger. Et il y a des filles dans le Nord du pays qui n’en parlent pas. Puisque c’est tabou, on n’en parle pas et tu ne vas pas aller à l’école avec la robe tachée. Du coup, elles restent à la maison et perdent des heures de cours.», nous explique Miriam Sery, responsable d’une association œuvrant pour les femmes dans les zones rurales.
Solution pour la vulgarisation des serviettes hygiéniques
Pour répondre à cette réalité, des ONG et des personnes font des dons dans plusieurs écoles, des prisons pour que la vulgarisation soit effective.
Le 08 Mars 2023, Docteur Diaté Serge Mexen, enseignant à l'université et logisticien humanitaire lançait "L’opération 1 paquet de serviette hygiénique pour les femmes vivant en prison". Une initiative prise suite à un échange avec un de ses proches sorti de prison, qui lui avait relaté les conditions difficiles dans lesquelles les femmes vivaient leur période menstruelle en milieu carcéral. C’est une alternative toute trouvée à la question de la précarité menstruelle vécue par bon nombre de femmes et de jeunes filles en Côte d’Ivoire, notamment celles privées de liberté.
L’achat des serviettes périodiques est fait grâce aux moyens de l’initiateur de l’opération, de ses étudiants et de quelques personnes de bonnes volontés. Dans le principe, les serviettes périodiques sont distribuées aux femmes de sorte à ce qu’elles puissent être utilisées sur une période de trois mois. Depuis mars 2023, ce sont les femmes des prisons de la MACA, d’Aboisso, de Bassam et d’Adzopé qui ont été visitées. Les prochaines bénéficiaires seront celles des prisons de Dabou, Tiassalé, Dimbokro, Toumodi, Bouaké et Agboville.
Quant à Andrea Avi, elle fabrique et commercialise des serviettes hygiéniques lavables pour plusieurs raisons. « Les serviettes hygiéniques réutilisables produisent moins de déchets, vu que c’est réutilisable. 50% de ma clientèle qui les utilisent sont déçues par les serviettes jetables, 40% qui utilisent par tradition et 10 % parce que c’est économique »
L’idée d’Andrea Avi s’est matérialisée avec la vente de ces serviettes sur les réseaux sociaux. Karidja Konaté, une de ses clientes les utilise évidemment pour les mêmes raisons.
« J’utilise les serviettes réutilisables, c’est écologique, c’est économique et ça me permet de vivre mieux en évitant les questions d’infection. »
La durée de vie des serviettes hygiéniques lavables
Il faut souligner que l’utilisation des serviettes hygiéniques lavables n'est pas sans risque, pour Docteur Kattie, il serait dans leurs utilisations : il va falloir les changer au minimum 2 fois par jour, les laver soigneusement, mais surtout les sécher bien au soleil et les conserver dans un endroit propre et sec »
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Yolande Jakin
Texte élaboré en collaboration avec Sandra Kohet, Maria Kessé et Solange Silué, lors d’une formation en journalisme avec MFWA
Image d'illustration
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