Le pagne africain, un art de vivre
Les arts d’Afrique sont pour la grande majorité d’essences orales et graphiques. Vouloir les traduire à tout prix par écrit (transcrire) ce serait les apprécier négativement, comme un manque devant être comblé. Les arts du continent noir ne se contemplent pas, ils se vivent, au quotidien. Et quel autre exemple que celui du monde des pagnes africains.
Déjà, combien de fois n’a-t-on pas galéré en voulant enfiler une chemise ou un jean trop serré ? A savoir que c’est notre corps qui doit s’adapter à un canon : le vêtement. Pour le pagne, c’est tout le contraire, plutôt que c’est celui-ci qui vient épouser, mettre en valeur les formes du corps. Et quel plaisir !
A vrai dire, le pagne africain est à l’Afrique ce que l’homme noir est au monde noir. Et il en va de même pour les arts d’Afrique. Vous l’aurez compris, la corrélation ne va pas toujours de soi. Le rapport est bien plus complexe, bien plus ambigu qu’il n’y paraît. Pour revenir à l’esthétique : le succès de l’entreprise hollandaise sur le continent vient du fait qu’elle a su être à l’écoute de sa clientèle. En effet, le pagne est un tissu, richement coloré certes, mais surtout modelable à souhait et bourré de significations sociales, religieuses voire politiques. C’est donc un outil. On le noue, le dénoue, plusieurs fois par jours, autour des hanches pour mieux galber le fessier. On le froisse avec imagination pour coiffer la tête lors d’un mariage. On renforce les bords, en le roulant, pour porter l’enfant dans le dos, tout en vaquant à ses occupations quotidiennes ; on le coud, en serrant au niveau la taille et subtilement dévoiler un décolleté généreux ; on l’utilise comme couverture ; voire le tortille pour frapper un enfant récalcitrant ; etc. Le pagne garde toutes les traces de la vie sociale. Il se lave rarement afin de garder l’éclat des couleurs le plus longtemps possible, du coup l’odeur de la peau et de l’environnement s’y imprègnent fortement. En Afrique, le lien affectif entre la mère et son enfant passe par le pagne. L’odeur de ce dernier c’est la présence de la mère. Le pagne va alors suivre la vie de l’enfant des années durant. Il le portera, le couvrira quand les températures rafraîchissent durant la saison des pluies, il le rassura pendant une longue absence.
Bref, il y a d’innombrables manières de « vivre » le pagne, selon les circonstances, les humeurs. Le style n’est jamais fixe. En d’autres mots, la manière dont on porte le pagne en République Démocratique du Congo peut être différente en Côte d'Ivoire, par exemple. Il y a bien entendu des influences réciproques. Les motifs aussi portent souvent des symboles, c’est-à-dire qu’ils vont bien au-delà d’un assemblage harmonieux de tons ou de lignes. Ils peuvent évoquer une position sociale privilégiée, tout comme ils peuvent être un moyen de communication entre le mari et la femme… Jusqu’aux prétendues rivales.
Florence Bayala
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