Rester en couple pour les enfants ou divorcer ?

Quand le couple va mal, on envisage la séparation. Avec des enfants, la décision est difficile à prendre. Faut-il rester ou partir ? Rester, pour de mauvaises raisons ? Partir, pour se reconstruire mais en détruisant sa famille ? Du point de vue des enfants, la question est compliquée.

Quand le couple va mal, on envisage la séparation. Avec des enfants, la décision est difficile à prendre. Faut-il rester ou partir ? Rester, pour de mauvaises raisons ? Partir, pour se reconstruire mais en détruisant sa famille ? Du point de vue des enfants, la question est compliquée.

Avec Christine Arbisio, psychanalyste. A écrit « Le bilan psychologique avec l’enfant, clinique du WISC-V » (Dunod)

-QUE FAIRE SI LE COUPLE EST DANS UN CONFLIT

OUVERT ?

Quand le couple va mal et multiplie les scènes de ménage, les menaces de divorce, surtout devant les enfants, mieux vaut se séparer. Il faut que les parents aillent bien pour que les enfants aillent bien aussi. Sinon, selon leur âge, ils peuvent avoir des troubles du comportement, connaître une agitation, avoir des problèmes anxieux.

– FAUT-IL ÉVITER DE SÉPARER À CERTAINS MOMENTS DU DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT ?

Il faut en effet éviter le moment de l’Oedipe, entre trois et six ans. C’est l’âge où l’enfant veut épouser le parent du sexe opposé. Une séparation à ce moment-là reviendrait à exaucer son vœu inconscient et à le faire culpabiliser. Au moment de l’adolescence, ce n’est pas souhaitable non plus. C’est l’âge où le jeune lui-même, déstabilisé, se cherche. Cela peut accentuer son mal-être. L’enjeu d’un travail de psychothérapie consiste à mettre en lumière les conséquences inconscientes d’une séparation mal préparée, mal amenée ou plus simplement, mal supportée.

-DE QUELLE MANIÈRE LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ ÉMOTIONNELLE DE L’UN DES DEUX PARENTS REJAILLIT-IL SUR L’ENFANT ?

Lorsqu’un parent se sent mal ou se sacrifie, cela rejaillit toujours sur l’enfant. Il peut se sentir coupable. Est-ce à cause de lui que son parent s’interdit le bonheur ? L’enfant se sent responsable de son parent, et impuissant. Dans le cas d’un père ou d’une mère mal dans sa peau, la progéniture devient l’enfant-thérapeute en charge de re-narcissiser et de réconforter son parent, prenant alors une place qui n’est pas la sienne.

-QUE DIRE À L’ENFANT DANS UNE SITUATION DE TENSION AU NIVEAU DU COUPLE ?

Il faut lui dire qu’il n’y est pour rien, que ce sont des histoires d’adultes. Lui c’est lui, eux c’est eux. C’est encore tout l’enjeu d’une psychothérapie.

–COMMENT LUI EXPLIQUER QUE SES PARENTS CHOISISSENT UNE « COHABITATION PARENTALE » (CHAMBRE À PART) MAIS QUE LE COUPLE EN LUI-MÊME N’A PLUS DE PROJET ?

Cela ne regarde pas l’enfant. Le « on reste à cause de vous » a bon dos. C’est une manière de ne pas prendre ses responsabilités. Il peut y avoir des causes plus profondes à la difficulté à se séparer. Des causes internes au couple. C’est au cas par cas. Certains adultes ne supportent pas l’idée de la séparation car cela les renvoie à l’abandon, à la peur de vieillir seul.e. Ou de reproduire un schéma d’échec (modèle parental). Ils peuvent aussi rester ensemble pour des questions d’ordre matériel (crédit de la maison, aisance financière). Rester pour ses enfants, en réalité pour soigner l’enfant qu’on a été (enfant orphelin ou enfant du divorce avec sa valise), c’est une façon de mettre tout le monde à son service. On peut aussi se complaire dans la situation et vouloir se faire plaindre. Une démarche très auto-centrée. Vous voyez bien que derrière le « on reste pour les enfants » se cachent des raisons plus personnelles.

Avec Moussa Nabati, psychanalyste. A écrit « Se reconstruire, la blessure est l’endroit par où la lumière pénètre en vous » (Robert Laffont)

-QUE FAIRE SI LE COUPLE EST DANS UN CONFLIT

OUVERT ?

Il faut partir d’un principe fondamental : tous nos amours et nos angoisses sont d’essence narcissique et égoïste. Les enfants ont besoin que leurs parents soient ensemble et unis, ainsi ils peuvent donner de l’amour et de la sécurité, ce qui est bon pour leur croissance. Faire porter le poids d’une union subie, c’est mauvais. Si les parents ne peuvent donner l’amour, ils sont dans une carence matricielle. Quand il y a un conflit parental, ils ne sont pas disponibles psychologiquement. Ce qui fait sans doute écho à un manque subi dans l’enfance. On peut être présent matériellement mais pas affectivement, si on n’est pas accompli.e sexuellement et amoureusement. On doit avoir accès aux différentes « pièces de la maison-soi ». Sinon, on demande inconsciemment à l’enfant de lui donner l’amour qu’on n’a pas ailleurs. C’est un poids pour l’enfant qui devient un enfant-thérapeute. Les enfants souffrent, dans un cas de mariage subi comme dans le divorce, pour différentes raisons.

– FAUT-IL ÉVITER DE SÉPARER À CERTAINS MOMENTS DU DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT ?

Le complexe d’Oedipe n’existe pas, selon moi. La sexualité n’est pas qu’une affaire de coït, pour l’enfant. Un aspect important à souligner, l’enfant va entrer en rivalité avec son père, pour s’unir sexuellement au parent du sexe opposé. Or l’enfant a besoin que ses parents restent ensemble pour construire un triangle. Il n’a aucun intérêt à séparer ses parents. Il n’y a pas de bon ou de mauvais moment pour la séparation. Personne ne reste ou se sépare pour les enfants, c’est un prétexte qui masque les intentions inconscientes de chacun. Le parent doit s’exprimer en son nom propre. Rien de plus pathologique que l’altruisme. Ce n’est pas un don d’amour mais une quête.

– DE QUELLE MANIÈRE LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ ÉMOTIONNELLE DE L’UN DES DEUX PARENTS REJAILLIT-IL SUR L’ENFANT ?

Quand l’enfant sent que l’un des parents est déprimé, il culpabilise car il se croit au centre du monde. Il devient l’enfant-thérapeute, se sent délaissé (même si le parent est physiquement présent voire trop présent) et absorbe la dépression de son parent. Cela se traduit par de l’agitation, des blocages (il ne mange pas, ne dort pas, n’aime pas l’école, a peu de copains) ou des excès (hyper activisme). Conséquences de la dépression infantile précoce. LIRE PLUS SUR MARIEFRANCE