Enseignement des STEM : comment inciter davantage de jeunes filles noires défavorisées à s'engager dans des carrières scientifiques et technologiques

Lorsqu'on demande à Cynthia Chapple de participer à la réalisation d'une photographie d'un professeur de recherche et de son équipe, elle suppose que c'est elle qui va prendre la photo. L'image devait être utilisée par le professeur pour une demande de subvention.

Mme Chapple, alors chercheuse en chimie dans une université américaine, ne travaillait pas directement avec son équipe et n'avait que peu d'interactions avec eux personnellement. Pourtant, lorsqu'elle arrive pour prendre la photo, elle est placée devant l'appareil, aux côtés de l'équipe. Confuse, elle sourit pour la photo avant de réaliser qu'elle n'est pas à l'aise.
Elle regarde autour d'elle : l'équipe de recherche est composée d'hommes blancs, et elle est la seule femme noire sur la photo.

C'était un exemple de diversité "Photoshop", lorsque des femmes noires sont utilisées pour des séances de photos", raconte-t-elle à la BBC. "On se servait de moi pour montrer qu'il travaillait dans une équipe inclusive et pour lui assurer un financement. J'étais embarrassée."
La jeune femme de 31 ans a grandi dans un quartier défavorisé du sud de Chicago.
Elle a grandi dans une famille nombreuse avec sept frères et sœurs, tout son univers existait dans un rayon de deux pâtés de maisons. Son père travaillait comme agent de sécurité et sa mère comme infirmière auxiliaire. L'école de Cynthia, sa famille élargie et tous ses amis se trouvaient à cinq minutes à peine et les soirées étaient consacrées à l'exploration du quartier.

"Je faisais des listes sur les moyens d'améliorer le quartier", dit-elle, "je comptais le nombre de magasins d'alcool ou de terrains inutilisés dans le quartier et je rédigeais des propositions sur ce qui pourrait les remplacer, afin d'améliorer le quartier. Je recueillais des données".
Lorsqu'elle avait neuf ans, un professeur particulièrement passionné a allumé en elle l'amour des maths.
"M. Estes était un jeune professeur noir que je voulais impressionner. Il a été mon entrée dans les STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques)."

Grâce à lui, elle a été initiée aux camps d'été scientifiques et aux clubs extrascolaires et elle est tombée amoureuse.
"J'étais la seule fille noire dans ces clubs", se souvient-elle. "Il n'y avait pas vraiment beaucoup d'activités autour des STEM que l'on pouvait faire dans mon quartier. Je me suis donc retrouvée en quelque sorte à quitter ma communauté du sud de Chicago pour aller ailleurs, afin d'être exposée à certaines activités."

Mais ce n'est pas parce qu'elle a quitté le quartier sud de Chicago qu'elle a trouvé plus de femmes intéressées par les STEM. Elle se sentait toujours en minorité alors qu'elle préparait sa licence de chimie à l'université Purdue d'Indianapolis. Les choses n'ont pas changé lorsqu'elle s'est rendue dans une autre université pour préparer sa maîtrise.
"J'étais l'un des deux étudiants noirs nés aux États-Unis", dit-elle.

Lorsqu'elle obtient son diplôme et devient chimiste de recherche, elle remarque une autre tendance. Elle ne voit pas les femmes de couleur, en particulier les femmes noires, accéder à des postes plus élevés dans le monde universitaire américain, notamment dans les domaines des sciences et des technologies.
Cynthia explique que cette situation est due au "tuyau percé intersectionnel", sa version du "tuyau percé", qui est une métaphore de la perte progressive de femmes compétentes aux postes de direction dans les domaines des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STEM).

Les chercheurs affirment que le "tuyau percé" fait référence aux femmes, et en particulier aux femmes de couleur, qui font face à de nombreuses barrières et obstacles pour progresser dans leur domaine, qu'il s'agisse d'obligations de garde d'enfants ou de possibilités de promotion moindres.
Selon l'étude Pew Research de 2021, les Noires ne représentaient que 9 % de la main-d'œuvre liée aux STEM aux États-Unis, un chiffre qui n'a pas changé depuis 2016.
De même, selon l'American Psychology Association, les femmes de couleur ne représentent que 2,3 % du personnel enseignant universitaire permanent aux États-Unis, alors que les femmes blanches en représentent 23,4 %.
Cynthia a eu l'idée, pendant son master en 2015, de créer un club pour attirer plus de femmes comme elle dans le monde de la science. En 2018, Black Girls Do STEM est devenu une communauté parascolaire à St Louis, dans le Missouri, où elle vit désormais.

L'objectif du club est de donner aux filles noires des collèges et lycées des quartiers défavorisés la possibilité de s'engager émotionnellement dans la science et de l'appliquer à la vie réelle.
"Nous concevons nos cours en fonction de ce qu'elles aiment, de ce dont elles ont besoin, de leurs centres d'intérêt", explique-t-elle. "Nous avons des cours qui montrent aux filles comment fabriquer un baume à lèvres dans le cadre d'un module de chimie cosmétique, ou nous pouvons examiner des produits ménagers et tester leur pH."
Les cours bimensuels, qui se déroulaient auparavant en personne, ont été transférés en ligne pendant la pandémie.
"Nous voulons que ce soit une expérience immersive", ajoute-t-elle.
Actuellement, une centaine de filles participent à Black Girls Do STEM. Mme Chapple a élargi le programme pour attirer davantage de mentors scientifiques noirs et a introduit des cours pour enseigner aux filles la résilience et l'établissement de limites.Lire plus sur bbc.com