Harcèlement moral au travail : comment le reconnaître ?

Au bureau, rien ne va plus… Des mots, des regards, des attitudes qui agressent. Cela n’a l’air de rien, mais leur répétition quasi quotidienne vous déstabilise. S’agit-il de harcèlement moral ?

Harcèlement moral, maltraitance, stress : quelles différences ?

Selon le dictionnaire Robert, harceler, c’est "soumettre sans répit à de petites attaques réitérées". Seulement, il n’est pas facile de distinguer les situations qui relèvent du harcèlement moral dans la vie professionnelle.

Le harcèlement est dégradant ou offensant

« La plupart des salariés venus me voir en me disant "je suis harcelé" ne l’étaient pas. Il y avait parfois maltraitance, les différends entre collègues pouvant devenir très méchants s’ils ne sont pas gérés. Mais il n’y avait pas l’intention de faire souffrir ou de nuire », constate le Dr Florence Jegou, médecin du travail à Nantes.

Car, à la différence du stress, le harcèlement est dégradant ou offensant. « Lorsque le refus de communication est manifeste et humiliant, lorsque les attitudes, les paroles et les critiques portant sur le travail deviennent méchantes et injurieuses, on est véritablement dans quelque chose de destructeur, explique le Dr Marie-France Hirigoyen, psychiatre psychothérapeute et spécialiste de la question. Et si cette attitude s’inscrit dans la durée, il peut s’agir de harcèlement. »

Le harcèlement se caractérise par la répétition des faits. Chaque attaque n’est pas vraiment grave, mais, répétée quasi quotidiennement, elle finit par faire mal. Dans tous les cas, l’idéal est de réagir le plus tôt possible.

Harcèlement moral, ce que dit la loi

Le harcèlement moral a été introduit dans le code du travail le 17 janvier 2002. Il est ainsi défini : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."

La notion de harcèlement s’est élargie en 2009, et les méthodes de gestion peuvent désormais constituer un harcèlement moral dès lors qu’elles visent un salarié en particulier. Tout comme le harcèlement sexuel, il peut être sanctionné par un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende, mais les procédures sont difficiles, les preuves délicates à apporter. De fait, la médiation est favorisée.

Trois situations qui peuvent évoquer le harcèlement moral au travail

Vous êtes isolé contre votre gré
Que ce soit le fait d’un supérieur ou d’un collègue, vous êtes déconnecté du groupe. Vous mangez seul, ou n’êtes pas invité s’il y a un pot. L’entourage professionnel, par manque de courage, docilité, égoïsme ou peur, se tient à l’écart, sans forcément vous en vouloir.

Comment réagir ? Evitez le "pourquoi moi ?" et la culpabilité. Vous êtes "victime" parce que vous avez été désigné. Vous étiez là, et vous êtes devenu gênant : autre façon de travailler – souvent plus –, autre niveau de vie… les raisons sont nombreuses.

« Essayez de sortir de cet isolement en passant des alliances là où elles existent », conseille le Dr Dominique Servant, psychiatre, responsable de l’unité Stress et anxiété au CHU de Lille. S’il s’agit d’un collègue, avertissez votre chef. « La mise en quarantaine est beaucoup plus génératrice de stress que le surcroît de travail », prévient le Dr Hirigoyen, psychiatre psychothérapeute.

Vous êtes sans cesse critiqué
Soupirs excédés, remarques désagréables ou plaisanteries douteuses… des allusions malveillantes ciblent votre compétence, votre travail, votre personne, parfois même votre vie privée.

Comment réagir ? Dans un premier temps, discutez avec la personne qui vous critique, car on peut harceler sans le vouloir. Défendez-vous et posez des limites. Dites-lui que son comportement n’est pas normal et que vous ne l’autorisez pas à vous tenir ce genre de propos. Si vous ne protestez pas, un individu pervers aura trouvé un terrain propice. N’attendez pas un dialogue, vous rencontrerez en général un refus de communiquer.

« Si vous avez peur des représailles, soyez accompagné face à votre "harceleur" », conseille le Dr Hirigoyen. Enfin, si vous ne craignez pas le conflit, restez ferme. « Cette attitude peut engendrer un surplus de provocations ou d’agressions, mais elle modifie les rapports de force », poursuit la spécialiste.

On vous confie des tâches irréalisables
Vous avez l’impression que l’on cherche à vous pousser à la faute.

Comment réagir ? Gardez votre sang-froid, et discutez avec votre supérieur hiérarchique direct. Si cette démarche n’aboutit pas, sollicitez un entretien auprès du supérieur de votre supérieur. « Aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir subi, refusé de subir, ou dénoncé ce harcèlement », dit Marie-France Hirigoyen. En attendant que les choses évoluent, restez attentif et irréprochable.

Intimidations, menaces, injustices : comment réagir dans la vie professionnelle ?
Votre travail est en passe de devenir un cauchemar. Vous vous sentez brimé, dévalué…

On vous intimide et on vous menace
Si l’on vous parle par exemple systématiquement d’un ton neutre ou d’une voix glaciale, c’est souvent fait exprès.

Comment réagir ? Ne vous laissez pas impressionner. Vous résisterez psychologiquement si votre moral est bon et si vous êtes soutenu. Trouvez de l’aide au sein de l’entreprise ou du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Si un soutien moral fait défaut dans votre service, vous pouvez le trouver dans un autre service.

Vous subissez une situation injuste
Vous ne pouvez plus vous exprimer. Vous n’êtes plus convié aux réunions. Vous ne pouvez plus poser vos vacances selon vos souhaits. Vous vous sentez humilié.

Comment réagir ? Tentez la médiation et demandez à un tiers d’intervenir : la direction des ressources humaines, le médecin du travail ou les délégués du personnel. La médiation permet parfois de lever les incompréhensions. N’hésitez pas à consulter un psychothérapeute ou un psychiatre et acceptez l’arrêt de travail si le médecin le préconise.