Rebecca Ayoko : "J'ai été violée et séquestré avant de devenir une star de la mode"

Les rues d’Abidjan, les podiums d’Yves Saint Laurent, les Restos du Coeur... Rebecca Ayoko raconte son calvaire dans son livre.

De ses doigts longs et fins, Rebecca Ayoko a touché les étoiles mais aussi l’enfer. Un jour sous les lumières des podiums de haute couture, le lendemain dans les files d’attente des Restos du Coeur. Toute sa vie, l’égérie du couturier Yves Saint Laurent a fait le grand écart entre misère et luxe. Aujourd’hui, à l’aube de la cinquantaine, elle espère enfin en avoir fini avec ce fichu destin. "Le pire est derrière moi", dit-elle.

L’élégante, qui a gardé son tour de taille intacte - "c’est morphologique" -, vit toujours à Paris, mais passe une partie de son temps aussi en Charente.

Après avoir été l’égérie d’Yves St Laurent, elle est devenue celle de Gilles Galvin, son compagnon dans la vie depuis cet été. Le patron de Factory Graff, société de mobilier design à Puymoyen, et l’ex-mannequin se sont rencontrés à la "Fashion night" de Saint-Martin-de-Ré, où le patron présentait son mobilier urbain. Il a demandé au dessinateur-illustrateur Vincent Sauvion de s’inspirer des photos de mode de Rebecca Ayoko pour décorer ses nouvelles pièces.

"Rebecca s’est montrée très exigeante pendant la réalisation des dessins",confirment Gilles Galvin et Vincent Sauvion. "Je fais des caprices de star quand il s’agit d’Yves St Laurent", reconnaît son ex-égérie, toujours aussi fébrile quand on prononce le nom de son mentor devant elle.

Rebecca, qui a été une des premières mannequins africaines sur les podiums de haute-couture est très impatiente de voir le film de Jalil Lespert dédié au couturier. Rebecca Ayoko n’apparaît pas dans le film. C’est dans son livre "Quand les étoiles deviennent noires" que l’on découvre l’incroyable parcours de cette petite fille née au Ghana, au tout début des années 1960.

Son histoire est bouleversante. Née dans la misère, Rebecca, qui aurait pu devenir prêtresse vaudou, se retrouve enfant esclave battue, orpheline exploitée par sa tante, qui pour la punir, lui introduit du piment dans le vagin et l’attache la nuit! Plus tard, elle sera violée par le mari de son amie et mère à 13 ans d’une petite fille qu’elle aura toujours beaucoup de mal à serrer dans ses bras.

"Je suis née une seconde fois"

Rebecca réussit à échapper à son destin et devient Miss Côte-d’Ivoire. On lui paye son billet d’avion pour Paris. Elle gravit les échelons du mannequinat, et devient rapidement le mannequin-star d’Yves Saint Laurent. "La première fois que je l’ai vu, je tremblais. Il m’a rendu un grand sourire. Je me suis sentie détendue. Il s’est passé quelque chose à cette seconde-là. Je suis née une seconde fois. La paix était en moi." La fille des rues d’Abidjan devient sa muse. Dans les années 80, elle vit les plus belles années de sa vie. "Il m’appelait sa Rebec’. Tous les matins, je me faisais belle pour lui." "C’était un génie avec un coeur d’ange. Il n’avait jamais un mot plus haut que l’autre. Il me dessinait avec ses mains magnifiques. J’avais une admiration totale pour lui." Le couturier lui dessine une robe qu’il baptisera "Quand les étoiles deviennent noires" et qu’elle reprendra pour le titre de son livre.

Pourtant, le rêve se terminera en cauchemar. Le maître va remplacer Rebecca par Katoucha, mannequin noire que l’on retrouvera morte noyée en 2008 après une chute de sa péniche dans la Seine un soir de fête. L’ironie de l’histoire c’est que c’est Ayoko qui avait présenté son amie au maître. "Je ne lui en ai jamais voulu. Il m’a tellement apporté."

Déchue, Rebecca va connaître une nouvelle descente aux enfers. "J’ai dû vendre certains bijoux Yves St Laurent, mais je ne me suis jamais séparé de mes tailleurs." Ruinée mais digne, l’ancien top modèle se rend aux Restos du Coeur en YSL. "C’est ce qui me donnait la force de résister."

Comme toujours, Rebecca se relève. La résurrection est récente.

Depuis la parution du livre il y a un an, l’horizon s’est à nouveau dégagé. Rebecca dispense désormais ses conseils, apporte son savoir-faire et tout ce qu’elle a appris chez YSL. Elle remonte sur les podiums à l’occasion. Elle a retrouvé l’amour en Charente, elle pense à ouvrir un restaurant, elle rêve d’une adaptation de son livre au cinéma.

Et malgré les coups bas, les escarpins dérobés juste avant de défiler, consciente d’avoir fait avancer la cause des mannequins noires, elle encourage les jeunes recrues. "Si c’était à refaire, s’il fallait revivre tout ce chemin, je le referais juste pour rencontrer Yves St Laurent."

Source : charentelibre.fr