Seynabou Dieng, fondatrice et gérante de la start-up `` Maya `` entreprise spécialisée dans la transformation des produits d’épicerie

`` Je conseille aux jeunes de ne pas avoir peur de l’échec, de se donner les moyens pour arriver au succès ``

Transformer les produits agroalimentaires locaux en sauces et épices, tel est la spécialité de la start-up “Maya”. Sa fondatrice et gérante, Seynabou Dieng, diplômée de l’Université de la Sorbonne à Paris (DEUG), de l’école de Commerce Idrac Business School (Master II) et de Essec Business School (Master II), nous a accordé une interview, dans laquelle elle nous parle de sa start-up ” Maya “, notamment sa particularité, ses produits, les difficultés rencontrées lors sa mise œuvre, avant d’adresser un message à l’endroit des jeunes entrepreneures qui veulent lancer leur propre start-up.

Parlez-nous de votre start-up, “Maya” ?

Maya est une entreprise pionnière de transformation agroalimentaire, spécialisée dans les produits d’épicerie, utilisant un modèle inclusif en partenariat avec des agriculteurs au Mali. Il s’agit de l’une des premières marques de sauces et d’épices répondant aux attentes gustatives et de style de vie de la “Nouvelle femme africaine”. L’entreprise distribue ses produits dans 3 pays d’Afrique de l’Ouest, à savoir le Mali, le Burkina et le Sénégal. Nous employons une vingtaine de jeunes sur nos deux sites de Bamako et Sévaré et disposons d’une capacité de production de 30 tonnes de légumes et 30 tonnes de céréales par mois. Notre gamme est composée de 8 produits.

D’une part, les sauces avec la sauce piment au gingembre appelée “piment garçon”, il faut oser … , la sauce piment à l’ail, la sauce vinaigrette et la sauce caramel au miel. Nous avons aussi les aides culinaires telles que la chapelure fine, la chapelure extra croustillante ou “KFC” la pâte à crêpe et bientôt les épices en poudre. La valeur ajoutée de nos produits, c’est leur caractère innovant, leur caractère responsable (contribuant à la chaîne de valeur et à l’emploi des jeunes), leur caractère nutritionnel et la philosophie qu’ils véhiculent qui dit à nos clients “osez cuisiner différemment”.

Comment est venue la volonté de lancer cette start-up?

Quand je me suis réinstallée au Mali en 2015, j’ai constaté qu’il y avait très peu de marques agroalimentaires locales. Je retrouvais pratiquement les mêmes marques que j’utilisais en Europe dans les supermarchés. Cette situation m’a dérangée sachant que nous avons des richesses agricoles très importantes et que, malgré cela, les agriculteurs ne parviennent pas à vivre de leur travail. Beaucoup d’entre eux, comme Maya, ma cuisinière de l’époque sont obligés de venir travailler dans les villes pour aider leur famille. C’est comme ça que j’ai eu le déclic et que je me suis lancée dans la valorisation des produits du terroir. J’ai commencé dans ma cuisine avec peu de moyens et la force des réseaux sociaux nous a fait entrer dans le réseau de distribution malien. Aujourd’hui, nous visons la sous-région et plus tard le marché européen et américain.

Quelle est la particularité des produits “Maya” ?

Au Mali, 75% de la population dépend de l’agriculture. Cependant, seulement 38% du PIB est généré par le secteur agricole et les pertes post récoltes sont de l’ordre de 30% sur la filière maraîchère. Par ailleurs, il y a une faible création de valeur autour des produits issus de l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire n’est pas très développée. La majorité des produits alimentaires manufacturés sont importés.

Les conséquences de ce fléau sont un appauvrissement des populations rurales du fait des importantes pertes post-récoltes, du manque de débouché à leur production et un chômage des jeunes qui conduit certains vers la délinquance et l’immigration clandestine.

Maya a décidé d’offrir une réponse innovante à ce problème en créant une industrie équitable qui collecte les légumes auprès des agriculteurs à un prix convenable, les transforme en produits d’épicerie “responsable” et les commercialise dans toute la sous-région. Je dirai donc que, notre particularité, c’est notre engagement social.

De son lancement à nos jours, “Maya” a-t-elle rencontré du succès ?

Nous sommes très fiers d’avoir pu, en 3 ans, construire une forte notoriété autour de la marque Maya. Aujourd’hui, ce sont les distributeurs qui viennent à nous pour nous proposer de représenter la marque dans leur pays. Cela représente un grand succès pour nous. Par ailleurs, nos clients sont satisfaits de la qualité et adhèrent aux valeurs de la marque Maya.

L’histoire de cette marque elle-même séduit les clients qui, avec le temps, sont devenus de véritables ambassadeurs. Les valeurs qui nous animent en tant qu’entreprise sociale, à savoir la responsabilité, l’exclusivité et la transparence, sont des valeurs universelles et qui parlent à tous les consommateurs africains qui se battent pour avoir des marques à leur image. Enfin, le soin que nous apportons à la qualité de nos produits et au design des emballages est aussi un acquis fort dans notre conquête du marché africain.

Avez-vous rencontré des difficultés dans la création de “Maya” ? Si oui lesquelles ?

Comme toute entreprise au départ, la difficulté principale est l’accès au capital pour financer les actifs de l’entreprise et gérer les dépenses courantes. Nous avons eu la chance d’avoir des partenaires qui ont cru au projet et nous ont accompagnés aussi bien au niveau technologique qu’au niveau financier. Cela ne s’est pas fait avant que nous aussi nous fassions nos preuves.

Aujourd’hui, la principale difficulté que nous rencontrons est relative à l’approvisionnement en matière première. En effet, lorsque nous avons commencé en 2017, le sac de piment nous coûtait en moyenne 7500 Fcfa; aujourd’hui le même sac nous coûte 15 000 Fcfa. En plus de l’augmentation du prix, nous devons également faire face à une baisse de la qualité des légumes due à l’utilisation d’engrais chimiques par les producteurs. Enfin, nous devons aussi gérer la logistique et le transport des matières premières des zones rurales vers la capitale où se trouve notre unité car il n’existe pas d’entreprise locale spécialisée dans les logistiques des denrées agroalimentaires périssables.

Comment envisagez-vous le développement du secteur culinaire au Mali dans les prochaines années ?

Le secteur culinaire ne cessera de se développer. Pour ma part, je préfère considérer que nous sommes dans une zone économique et nos marchés sont ouverts. Compte tenu de la croissance économique de la zone Uemoa, la classe moyenne continuera de s’enrichir pour profiter aux entreprises qui offrent des produits de niche comme Maya. Nous envisageons de devenir leader des sauces et des produits d’épicerie dans l’Uemoa, d’ici 2025.

Notre rêve serait que chaque Africain puisse être fier de consommer un produit agroalimentaire qui a pris ses sources chez lui et qui aide l’agriculture locale. Nous allons donc consolider notre présence sur les marches où nous sommes déjà et attaquer de nouveaux marchés. Pour cela, nous allons nous appuyer sur notre forte capacité à nouer des partenariats et sur les talents et la motivation de nos collaborateurs.

Avez-vous un message à transmettre aux jeunes entrepreneures qui veulent lancer leur propre entreprise ?

Mon conseil aux jeunes est le même depuis le début de cette aventure : il faut avoir de l’audace pour entreprendre. N’ayez pas peur de l’échec et donnez-vous les moyens pour arriver au succès et travailler sans relâche et la persévérance. Les jeunes entrepreneurs peuvent offrir une réponse au chômage des jeunes au Mali à condition que les jeunes en question puissent développer un esprit entrepreneurial et qu’ils puissent s’adapter aux conditions de travail dans une startup ou une PME.

En effet, beaucoup de jeunes ont été formés à travailler dans des environnements tels que les banques, les ONG, les institutions publiques avec le confort d’un salaire fixe, des avantages, un bureau climatisé, etc… Le travail dans une PME agroalimentaire est souvent très différent et peu confortable ; il faut savoir travailler sous pression, parfois dans l’informel, savoir gérer les tensions de trésorerie, savoir être flexible et travailleur beaucoup, tout en acceptant l’idée que les avantages arriveront à long terme.

Je pense que les universités doivent commencer à inculquer cette réalité aux jeunes afin de les préparer à la réalité du marché du travail dans une économie où les PME représentent 80% du tissu économique.

Quel sera votre mot de la fin ?

Consommons local ! Encore et encore. Notre terroir regorge de produits exceptionnels et nous avons la chance de vivre une époque où la jeunesse a placé l’innovation et la technologie au service du secteur agroalimentaire en mettant sur le marché des produits très intéressants et connectés au monde rural; il ne reste plus qu’à la population de nous donner un coup de pouce en consommant nos produits pour au moins qu’on sente que le sacrifice a servi à quelque chose.