Zineb-Fourrier en campagne de sensibilisation sur le paludisme et la dengue : “Je trouve qu`on prend ces maladies à la légère alors qu`elles sont mortelles...''

Faire œuvre utile en se mettant au service des autres, avoir du cœur  à l’ouvrage avec une volonté et une détermination fortes,  Zineb-Fourrier mène sa campagne de sensibilisation sur le paludisme et la dengue, deux maladies tropicales combattues. En Côte d’Ivoire depuis un an et demi déjà, mariée et mère de trois ravissantes filles, en bon humaniste, elle s’est trouvée cette activité flexible pour non seulement pouvoir s’occuper de sa famille, mais aussi et surtout prendre soin des autres contre le paludisme.

Zineb-Fourrier, qui a à son actif une première conférence déjà organisée ayant suscité beaucoup d’intérêt, compte rééditer le lundi 26 mars 2018 avec une deuxième conférence, étant donné l’extrême importance du sujet. Comment a-t-elle pris faits et causes pour ce combat? Comment s’y sent-elle? Zineb-Fourrier nous a ouvert son cœur…

Les autorités ivoiriennes mènent une campagne nationale contre le paludisme. Et vous avez bien avant décidé, dans vos actions quotidiennes, de vous intéresser à ce cas particulier. Pourriez-vous partager vos motivations?

Je me suis intéressée au palu avant même d’arriver en Côte d’Ivoire mais c’est en vivant à Abidjan et au vu des expériences vécues que j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose à mon échelle pour aider les nouveaux arrivants à mieux connaitre la maladie et mieux la prévenir. En effet, en arrivant nous n’avons pas les bons réflexes et nous ne mesurons pas les dangers du palu comme les familles qui vivent ici depuis longtemps, ou qui ont acquis une expérience au fur et à mesure. Un souci majeur est la difficulté à trouver les informations pratiques. Aussi, il existe un grand écart entre les informations générales et théoriques que l’on peut se procurer et le partage d’expérience et les conseils d’une personne vivant sur place. Du coup, on apprend en faisant des erreurs et moi j’ai payé de ces erreurs-là. Parce qu’il y a eu plusieurs cas de palu dans la famille, je me disais qu’il y avait surement un moyen d’éviter cela; et surtout l’angoisse générée par ces expériences, en ayant plus d’informations en amont.

Quand vous dites qu’il est difficile d’avoir les informations concernant le paludisme, quelles sont celles que vous recherchiez réellement?

Vous savez, autant que moi, qu’il est des informations qui, malgré leur existence, nous laissent sur notre faim. J’avais, moi, besoin de plus d’informations pratiques, pour savoir comment se protéger. Je vous donne un exemple. Quand on arrive ici, qu’on s’installe, on est très vite pris par la recherche de maison, l’installation des enfants dans leur école puis par la recherche de nouveaux amis pour les enfants et pour nous-mêmes. Et lorsqu’il s’est agi de la mise en place de toute cette partie de protection contre les moustiques, je me suis malheureusement confrontée à un manque réel de contacts pour savoir quelles étaient les meilleures personnes pour le faire. On m’a donné des devis très chers et certains n’avaient pas tous les outils pour m’installer la moustiquaire. Et au finish, je me suis laissée aller en me disant ‘’finalement, il n’y a pas vraiment de moustiques’’. Pour dire donc que ce sont des informations pratiques dont j’avais vraiment besoin pour la mise en place de tout ça. Et, par-dessus tout, je trouvais les informations données par les médecins confuses. Pire, si on rencontre deux médecins différents, les avis changent complètement. Et quand on parle aussi autour de nous, aux amis, aux collègues ivoiriens de mon mari, chacun a sa version. Et c’est là où on ne sait plus vraiment comment réagir.

Le cas du paludisme qui a touché votre famille, a-t-il été grave?

Heureusement, non! Toutefois, je pense que ça aurait pu être grave. J’ai vraiment été chanceuse. Ce qui est grave, je trouve, c’est le fait d’avoir donné à ma petite fille de 2 ans, le traitement contre palu quatre fois d’affilée pendant un an. Et je pense que cela aurait pu être évité. Ces médicaments-là sont nocifs aussi bien pour le foie que pour les reins, et les donner à un petit enfant, ce n’est vraiment pas idéal. Tout ceci parce que le deuxième palu qu’elle a attrapé, n’a pas été bien soigné. Et à chaque fois qu’elle faisait une petite infection, le test était positif et on lui redonnait le traitement.

Alors, de toutes ces maladies tropicales, pourquoi c’est le paludisme et la dengue qui vous captivent tant?

Tout ce qui est mortel est préoccupant. Je trouve qu’on prend ces maladies à la légère alors que ce sont des maladies mortelles. Quand nous parlons ici aux personnes qui connaissent bien la maladie et qui en ont eu plusieurs fois dans leur famille, ils nous la présentent en fait comme une grippe. Même les étrangers qui viennent ici, perçoivent le palu de cette façon en disant que  c’est la grippe de l’Afrique et qu’il y a des traitements appropriés. Sauf que cette grippe-là, elle tue. Et nous avons eu des cas autour de nous. Un exemple émouvant et malheureux que nous avons vécu. Le père de l’amie de ma fille est décédé d’un neuro-palu. On découvre, plus on vit ici, que les cas de décès liés au palu ne sont pas une légende. Et on a toujours l’impression que ça n’arrive qu’aux autres. Ailleurs, dans les milieux défavorisés ou dans des villages reculés où ils n’ont pas accès à la médecine moderne. Mais en réalité, cela arrive un peu partout.

En êtes-vous inquiète?

Oui, je dirai puisque les réalités du terrain montrent des signes qui donnent intérêt à s’inquiéter.

Et cela me donne surtout la ferme envie de faire bouger les choses pour que les gens réalisent qu’il y a une protection qui peut quand même les aider à moins attraper ces parasites. Et parlant du cadre de vie dans la ville, je pense qu’il y a vraiment des améliorations à faire pour pouvoir assainir la ville. A mes yeux,  je pense que c’est le plus grand projet à faire en fait.

Dans un premier temps, vous avez décidé de restreinte la sensibilisation à la communauté expatriée.

Tout à fait. Etant donné qu’elle est la  communauté à laquelle je m’identifie, j’en fais partie, parler à ce groupe, ça vient de source et c’est plus facile. J’aimerais en faire beaucoup plus et utiliser en fait ce premier tremplin pour pouvoir mener des actions aussi dans les campagnes. Vendre par exemple des moustiquaires pop-up, des moustiquaires qui s’ouvrent comme des tentes, aux expatriés pour leur week-end à l’hôtel, à Assinie par exemple. Avec une moustiquaire achetée, une moustiquaire sera offerte au village d’Assainie et ces moustiquaires seront remises lors d’un événement de sensibilisation au sein du village.

Pourrait-on avoir un aperçu de la première conférence faite sur le paludisme?

Nous avons organisé une première conférence en novembre et c’est Monsieur Abouo, chercheur au CHU de Treichville, spécialisé dans les maladies tropicales, qui avait intervenu. Il nous a présenté tous les aspects du parasite. Comment ça se transmet? Comment le parasite évolue dans le corps humain et qu’est-ce qu’il provoque? Et aussi, comment les symptômes de la maladie apparaissent? C'était utile de savoir tout ceci pour comprendre et mieux repérer les symptômes et les expliquer. Pour prévenir la maladie, il faut aussi savoir comment le moustique se reproduit. Cela, évidemment, nous pousse à mieux protéger notre maison. Par exemple, sachant que le moustique reste dans un rayon de 300 mètres autour de chez nous, on se dit qu’on va au-delà de son jardin, on va essayer aussi de voir son voisin pour qu’il traite son jardin ! Cela a donné des bonnes pratiques.

Est-ce qu’il y a eu de l’engouement pour cette première conférence? Les gens ont-ils été intéressés?

Il y a que de l’engouement et énormément d’interaction. Les gens étaient intéressés et tout de suite nous avions dit que nous ferions en trois parties avec 15 minutes de présentations et 15 minutes de question-réponse à chaque partie. La réaction et l’enthousiasme des uns et des autres ne se sont pas fait attendre. Tout de suite, les questions ont fusé. C’était bien puisque nous n’étions pas un très grand groupe et nous avons pu faire cela de manière très interactive, du début à la fin. La conférence a duré plus longtemps que prévu. Les gens étaient vraiment très intéressés.

Un mot sur cette 2ème conférence…

Pour la deuxième conférence, j’ai ajouté la dengue parce que c’est d’actualité. Aussi, cela nous a été demandé par les participants de la première conférence. Et également les symptômes sont très similaires à ceux du palu donc on peut s’y méprendre et c’est intéressant de savoir quelles sont les différences et les mesures à prendre. Parce que les moustiques de la dengue ne sont pas les mêmes que ceux du palu, ils n’agissent pas au même moment de la journée. Cette conférence est aussi le premier cycle de conférence avec Novamed, un groupe médical avec lequel je vais organiser de nouvelles conférences sur des thèmes variés.

Etes-vous en collaboration avec le ministère de la santé et de l’hygiène publique?

Pour le moment, non. Cependant, c’est une deuxième étape de mes actions qui me tient vraiment à cœur. Parce que le grand de la bataille c’est d’assainir la ville. Effectivement je compte bien contacter le ministère à un moment donné.

Je voudrais vraiment vous dire merci pour cette interview. Ce que je proposais en plus, en marge de la conférence, ce sont mes services de consultante  pour les familles qui arrivent et à qui je peux donner une petite formation individuelle, également des prestations de services. En somme, faire comme un diagnostic de leur maison pour la protéger contre les moustiques.

 

 

 

Yolande Jakin