Immigration clandestine : la solution se trouve en Afrique

I. Konaté est ivoirien. Cet ex-combattant interrogé, il y a un an par Abidjan.net, est un ancien candidat à l’immigration. Cet infortuné dont l’aventure a tourné au vinaigre a voulu partager son expérience. Celle-là qui l’a conduit du Maroc à la Libye, en passant par l’Algérie et la Tunisie avant de regagner sa terre ivoirienne après avoir échoué à rejoindre l’Europe.

Konaté a dilapidé dans son aventure les 800.000 F CFA que l’Etat de Côte d’Ivoire lui a octroyé comme solde de tout compte pour sa démobilisation, faute d’avoir pu intégrer officiellement l’armée ivoirienne après la crise. Aujourd’hui, cet adulte quarantenaire regrette son choix après 5 ans d’errance et d’épisodes douloureux qu’il refuse de taire pour tenter de dissuader les candidats à l’immigration clandestine.

« J’ai fouillé des poubelles pour trouver à manger, j’ai fait des prisons, j’ai bu l’eau des toilettes, bref tout ce que je n’aurais jamais imaginé chez moi. C’est au cours de ces moments d’incertitudes que j’ai compris le sens de la liberté et du dicton : « On n’est mieux que chez soi ».

Comme Konaté. ils sont de tous âges, de tous sexes confondus et proviennent quasiment de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. Jeunes, adultes, femmes et même avec des enfants, qui se convainquent de prendre la route de l’aventure. Cette aventure sans assurance au bout de laquelle l’espoir d’un eldorado surplombe tous les risques encourus, même au péril de sa vie.

Combien en sont morts ? Combien en ont gardé des séquelles et d’amers souvenir, hélas sans pour autant renoncer à une autre chance ? Peut-être   l’ultime, celle qui verra ses efforts couronnés, ou peut-être la dernière dont on n’en reviendra plus ! L’immigration clandestine, ce mal devenu endémique en Afrique de l’Ouest,  avec ses flots de larmes dans des familles endeuillées.

Que d’épreuves sur un chemin d’incertitudes

Le phénomène n’est pas africain. Mais, cette tragédie prend de plus en plus de l’ampleur sur le continent, spécifiquement en Afrique subsaharienne où des aventuriers affluent vers les côtes des pays du nord, plaque tournante de l’immigration, avant la traversée périlleuse, celle de la Méditerranée. Bien avant, les candidats devront d’abord survivre à l’épreuve du désert. La chaleur combinée à la faim et aux maladies, en l’absence de soin, sans compter les menaces des forces terroristes, aux côtés de ces marchands de la mort qui se frottent les mains dans cette zones d’incertitudes au détriments d’innocents, ignorant parfois les gros risques sur leurs chemins. 

Quid des traitements inhumains qu’adviennent à subir et à témoigner bien de survivant entre les mains de bourreaux dans les pays du nord !

Quand au bout de tous ces supplices, il faut affronter l’étape incertaine de la mer aux apparences calmes avant de déchainer sa furie en pleine traversée contre des embarcations de fortunes sans moyen de sauvetage affrétées par les vrais bénéficiaires de cette aventure ambiguë. Combien ont été avalé par les flots de ces vagues déchaînées en milieu de la Méditerranée ? Les morts se comptent par milliers depuis des décennies. Mais, ceci n’a toujours pas suffi pour dissuader les candidats à cette aventure si difficile et dangereuse.

C’est le cas de le dire, cette aventure extrêmement périlleuse, insensée, car ces populations de l’Afrique de l’Ouest pourraient bien se passer de ces risques encourus pour trouver le bien-être.

Responsabilités partagées

A l’origine de cette tragédie humaine, les responsabilités sont partagées, tant au niveau des candidats, des familles que des dirigeants des Etats. En commençant par ces derniers, la mal-gouvernance des Etats, les crises politico-militaires à répétition qui en résultent et finissent pas semer le désespoir et l’aventure comme seul moyen de donner un sens à son existence. La Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina, la Guinée, etc. Que de pays en crise, qui n’ont fourni tant de candidats à l’eldorado rêvé en Occident plutôt de consacrer ses énergies à entrevoir une politique harmonieuse de développement profitable et équitable pour leurs populations ! Où en est-on avec l’intégration régionale, qui devrait booster les économies et offrir tant d’emplois pour combattre l’oisiveté à l’intérieur des Etats ? 

« C’est beau de faire des discours et dire qu’il faut éviter les migrations clandestines, et que les gens doivent restent chez eux. Mais […] ce n’est pas avec les discours qu’on va les convaincre. On va les convaincre si on leur offre des possibilités d’avoir une vie décente [dans leur pays natal], c’est pour ça il faut des investissements », dixit Georges Dassis (in Jeuneafrique.com du lundi 30 janvier 2017), lors d’une visite en Côte d’Ivoire.

Mieux, certains dirigeants de ces pays n’hésitent pas à faire la promotion de leurs diasporas en occident comme un baume pour le financement de leurs économies. Toute chose qui accentue la conviction de leurs jeunesses à emboîter le pas à ces success story, encouragée par des familles désespérées, qui trouvent les moyens de cotiser des sommes d’argent énormes pour soutenir l’immigration de filles et de fils volontaires.

L’Afrique a la solution

Pourtant, le mal reste soluble, et la solution se trouve bien en Afrique. Et si les dirigeants, au delà des discours creux et démagogiques investissaient réellement dans leurs jeunesses, en les formant et en les occupant par des débouchés au bout de chaque circuit !

En effet, à voir le train de vie des élites, et les sommes d’argent qui sommeillent dans les banques des pays dits développés, ce ne sont pas les moyens qui manquent à l’Afrique. Le hic se trouve dans la volonté et le niveau d’investissement de ces moyens pour créer des emplois et entrevoir le bien-être des siens. Si des peuples d’Asie affluent en Afrique et font fortune sur le continent, il ne manquent plus qu’aux Africains, eux-mêmes, de prendre conscience de leurs potentialités afin de stopper l’hémorragie de l’immigration. Avec leur sous-sol riche, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, ou le Niger, ne devraient plus fournir de candidats à l’immigration clandestine. Tout  réside dans ce que l’on fait avec ses moyens, et de la vision qu’on nourrit pour ses populations.

Loin d’être dans l’esclavage dans les pays de l’Occident – si l’on n’est pas avalé par les dunes du désert ou les flots de la mer – l’eldorado, c’est bien ici, en Afrique. Le continent aux immenses ressources non encore exploitées, ces pays qui ont tout à bâtir pour occuper leurs jeunesses, ces Etats dont la trajectoire vers le développement offre toutes les occasions pour engorger le trop plein d’oisiveté qui pousse à l’aventure.