Au Kenya, des cours pour apprendre aux garçons à intervenir en cas d'agression sexuelle

À Nairobi, capitale du Kennya, une association apprend aux jeunes garçons comment réagir lorsqu'une femme se fait agresser sous leurs yeux. Ces leçons sensibilisent également les adolescents aux questions du viol et du consentement.

Alors qu'il célébrait le Nouvel An, Isaac, 15 ans, originaire de Nairobi (Kenya) a vu un groupe d'hommes saisir une jeune fille et l'agresser. En assistant à cette scène, Isaac a compris qu'il n'aurait pas eu la force de combattre ces hommes plus grands et plus âgés que lui. Mais l'adolescent sait comment réagir s'il se retrouve face à des prédateurs sexuels : il a donc eu le réflexe d'appeler un autre homme pour l'aider à affronter le groupe. "Tout le monde a commencé à se disputer", explique Isaac. "Le groupe a dit que la fille était 'leur proie' "et qu'ils devaient la violer", raconte Isaac, choqué. Si le jeune kenyan a adopté le bon réflexe, c'est parce qu'il a suivi les cours par l'ONG kenyane Ujamaa, qui entraîne les jeunes garçons à repérer et à stopper les actes de violence commis contre les femmes et les filles dans les bidonvilles de Nairobi. "Les histoires que nous entendons sont choquantes", explique d'Anthony Njangiru, coordinateur chez Ujamaa. Intitulé Votre moment de vérité, le programme s'adresse aux garçons originaires de Nairobi âgés entre 14 et 18 ans. Le spectre de sujets étudiés lors de ces leçons est large, puisqu'il s'étend de l'éducation sexuelle au mythe du vrai viol, en passant par le consentement, et à la façon d'intervenir si les garçons assistent à une agression.


"Les hommes ont été élevés avec la conviction que les femmes n'ont rien à dire"

Le cours se déroule sur des leçons hebdomadaires de deux heures, pendant six semaines. Depuis le lancement de son programme en 2010, Ujamaa a enseigné à 250 000 enfants dans plus de 300 écoles de Nairobi. L'association propose également un cours d'initiation pour les garçons plus jeunes, âgés de 10 à 13 ans. "Si nous, garçons et hommes, faisons partie du problème, alors nous pouvons faire partie de la solution", explique M. Njangiru. "Dans la société africaine, les hommes ont été élevés avec la conviction que les femmes n'ont rien à dire, que les hommes sont la priorité", explique-t-il. "Nous essayons de changer cette mentalité," ajoute-il.

Pendant les cours, les intervenants insistent également sur la question de consentement, une notion qui peut paraître évidente tant elle est fondamentale mais qui pourtant semble étrangère à un grande partie d'entre nous, y compris dans nos cultures occidentales, comme l'a si bien montré le récent documentaire français Sexe sans consentement, réalisé par Delphine Dhilly et Blandine Grosjean. "Le programme Votre moment de vérité a été pensé afin d'empêcher les garçons de penser que si une fille disait 'non' au sexe, elle voulait dire 'oui'. Ou encore qu'il était justifié de violer une fille si elle portait une jupe courte. "Ils ont tendance à utiliser la faiblesse de la fille à leur propre avantage", explique Anthony Njangiru.

Violences sexuelles : les femmes des bidonvilles sont très exposées

D'après une étude réalisée par l'Université de Stanford aux États-Unis sur les classes Votre moment de vérité, le pourcentage de jeunes garçons qui interviennent lorsque les jeunes femmes se font agresser a augmenté de 26% à 74% grâce au programme. Les garçons ont également été jugés moins enclins à croire aux mythes qui perdurent autour de l'agression sexuelle et du viol, explique l'étude. Au Kenya, les violences et agressions sexuelles contre les femmes restent un véritable fléau. En décembre dernier, l'ONG Human Rights Watch a dévoilé un rapport basé sur des entretiens avec 65 femmes, 3 filles et 3 hommes vivant au Kenya. D'après ce rapport, la moitié des viols recensés sont des viols collectifs. Une situation qui s'aggrave dès lors qu'on franchit les frontières des bidonvilles de Nairobi, où près d'un quart des filles ont été victimes d'agression sexuelle, comme le montre un reportage d'Amnesty International réalisé en 2010.

 

Source: terrafemina.com