Comment gérer les conflits?

La dispute récurrente s'avère le plus souvent néfaste à l'harmonie conjugale. Comment sauver son couple du cercle vicieux du conflit? Les conseils d'une psychanalyste, Fabienne Kraemer, pour limiter les crises.

Quand Jeanne et Mathieu se disputent, "neuf fois sur dix c'est à cause de sa mère", confie Jeanne, jeune femme de 34 ans, moyennement amie avec sa belle-mère. "Cela peut aller assez loin, ni lui ni moi ne lâchons l'affaire, question d'ego je crois." Et même si pour l'instant, le couple est toujours parvenu à se réconcilier, Jeanne admet "qu'à force, ça laisse des traces". Idem pour Paul et Philippe, ensemble depuis trois ans. Paul est, de son propre aveu, "bordélique", Philippe, "maniaque". La confrontation des deux peut parfois faire des étincelles. 

Si les désaccords font partie inhérente du couple, la multiplication des conflits n'est en revanche pas propice à l'harmonie. Et l'adage selon lequel les disputes sont un piment nécessaire pour des amours durables est à prendre avec précaution.  

Comment expliquer que pour certains, les querelles prennent tant de place et comment s'en défaire? 

"Il n'y a que très peu de couples qui ne se disputent pas, observe la psychanalyste. Les premiers temps, on idéalise l'autre et l'on ne voit pas ou ne veut pas voir toutes ces petites choses qui au quotidien finiront par nous agacer, toutes ces déceptions qui génèreront de la frustration, à l'origine de futures discordes". Pourtant, souligne la psychanalyste, "il faut essayer d'éviter l'escalade des disputes. Elles constituent en quelque sorte les premières marches de la violence et au cours de ces échanges on devient souvent blessant".  

Surtout, appuie-t-elle, "peu de disputes sont efficaces". Pour la psychanalyste, la plupart du temps, le sujet de la dispute est un prétexte, un moyen de déclencher une discussion ou de faire sortir l'autre de ses gonds. Jeanne l'admet du bout des lèvres: "je voudrais qu'il me rassure, qu'il me dise que je compte plus que tout. Je sais que mes crises de jalousie vis à vis de sa mère n'ont aucun sens, mais au lieu d'entendre que je me sens en insécurité, il explose et me traite d'hystérique mesquine".  

Pour se disputer, il faut être deux

Ce besoin d'être rassurée, Jeanne a du mal à le communiquer à son conjoint, "probablement pour des questions d'orgueil mal placé". Quant à Mathieu, "il ne lâche pas prise non plus, et bondit à la première réflexion". Pourtant, insiste Fabienne Kraemer, "c'est la première chose à comprendre: pour se disputer, il faut être deux. Si l'un des deux met son ego de côté et refuse d'entrer dans la danse, en sortant de la pièce, en s'abstenant de répondre ou de hausser le ton, la dispute est mort-née." Ce qui, reconnaît la psychanalyste, est loin d'être facile "lorsqu'on est sous le coup de la colère".   Voici quelques un de ses conseils pour sortir du cercle infernal de ces disputes nocives... 

S'en tenir aux faits

"Il faut dire les choses simplement et factuellement, sans exagérer", recommande la psy. Concrètement par exemple, ne pas reprocher à l'autre "de ne jamais baisser la cuvette des toilettes" mais lui demander pourquoi il ne l'a pas fait, là, à l'instant.  

Ne pas laver son linge sale en public

Il faut "éviter tout spectateur, qu'il s'agisse d'amis ou bien sûr de ses enfants", continue Fabienne Kraemer. Attendre que les tierces personnes ne soient plus présentes avant d'exploser a de plus un avantage, celui de ne pas réagir à chaud, "meilleure façon d'avoir des mots dépassant sa pensée", témoigne Sophie, qui ces derniers temps "s'accroche beaucoup" avec Maxime, son conjoint depuis cinq ans. "J'ai noté que depuis que je m'interdis de réagir devant notre fille de deux ans, je monte moins vite dans les tours, parce que j'ai le temps de me calmer et de voir les choses avec plus de recul". 

S'interdire de blesser, au propre comme au figuré

Bannir les mots dont on sait qu'ils vont faire mal, mais aussi, "et c'est indispensable de le mentionner, les gestes, qui blessent, au sens propre". "A la première main qui se lève, on est dans un contexte de violence inacceptable", insiste-elle.  

S'accorder un moment à deux toutes les semaines

C'est une des clés de la communication, pour Fabienne Kraemer. "Je recommande aux personnes que je reçois de se réserver toutes les semaines une soirée à deux. Cela peut se passer au restaurant si on en a les moyens, cela peut consister à se promener, à sortir le chien ensemble ou autre chose. Ce qui importe, c'est que ce soit ritualisé et d'une certaine manière, obligatoire. De façon à ce que les semaines où l'on s'est disputés, où l'on ne se parle plus depuis quelques jours, ce rendez-vous soit maintenu. Cela permet de ne pas rompre le lien, de reparler à froid de ce qui s'est passé. Mes patients, très vite, ne peuvent plus se passer de ça!" Fuir la dispute ne signifie en effet pas garder pour soi ce qui ne nous convient pas, mais plutot trouver une autre façon de le dire que par le reproche ou l'invective. 

S'excuser

On a des dizaines d'occasions dans la journée de s'excuser, parce qu'on est passé devant l'autre, qu'on a renversé quelque chose, qu'on lui a coupé la parole, etc. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette faculté à présenter ses excuses, que cela soit pour une erreur anodine ou un mot vraiment plus haut que l'autre, estime la psy. "Plus on a été agressif ou blessant, plus l'excuse doit être rapide et claire". Ce qui là non plus n'est pas toujours aisé sur le moment. Pourtant, souligne la psychanalyste, la plupart du temps, dans un conflit, chacun des protagonistes a environ 50% des torts. "Il ne faut pas tomber dans cette quête vaine du "dernier mot" que l'on voudrait absolument avoir", ajoute Fabienne Kraemer. Et d'en appeler à plus de bienveillance: "j'ai l'impression que l'on se soucie aujourd'hui plus d'être respectueux de ses collègues, de ses enfants ou de ses amis que de son conjoint, comme s'il était anodin de se dire les pires horreurs, comme si cela n'avait pas de conséquence, or cela en a." 


Source : lexpress.fr