État civil : les enfants fantômes du Burkina Faso

Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, 23 % des enfants de moins de 5 ans ne sont pas déclarés. Sans état civil, ils restent invisibles, exclus et souvent aux portes de la violence.

Quand il y pense, Amado a encore le cœur lourd. Dans son village de Guirgho, à 70 km au sud de Ouagadougou, il était l’an dernier le seul élève de sa classe de CM2 à ne pas pouvoir passer son certificat d’études primaires (CEP). « Il a beaucoup pleuré quand il a vu ses camarades partir en sixième sans lui », se souvient son grand-père Koudaogo Ouédraogo. Sa naissance n’a jamais été déclarée par ses parents. Or sans acte de naissance, impossible de l’inscrire à l’examen, indispensable sésame pour poursuivre ses études. Amado a donc été contraint de redoubler, faute de mieux.
Selon la Direction générale de la modernisation de l’état civil (­DGMEC), sur les 760 000 naissances en 2018, le taux d’enregistrement dans le délai légal de deux mois après la naissance s’élevait à 45,5 %. La condition sine qua non pour se voir remettre l’indispensable copie intégrale de l’acte de naissance.

« C’est un passeport pour la vie, rappelle Jean-Claude Wedraogo, spécialiste de l’état civil à Plan International. Ne pas en avoir est une forme de violence : pas d’accès aux droits fondamentaux, à l’éducation ou aux soins, pas de possibilité de voyager ou d’hériter… Ces invisibles sont condamnés à vivre brimés en marge de la société. » Sans existence légale, les adultes fantômes ne peuvent prétendre à un travail dans le secteur formel. Cette situation s’explique en partie par l’éloignement des centres d’état civil des populations et la méconnaissance des procédures et de l’importance de cet acte. « Il y a également les cas de parents en conflit ou d’enfants handicapés, issus de viol ou d’inceste, que l’on préfère cacher », souligne Jean-Claude Wedraogo.

Suite de l'article sur la-croix.com