Sexualité : pourquoi c’est important d’en parler avec son enfant

Pourquoi est-il important pour les parents de prendre part à l’éducation affective et sexuelle de l’enfant ? L’informer ne risque-t-il pas de l’inciter ? N’est-il pas déjà informé sur la sexualité puisqu’il y est déjà exposé dans la cour de récré ? On vous explique, en détail, pourquoi il peut être bon d’aborder ce sujet avec son enfant.

S’il est une question pas toujours évidente à aborder en tant que parent, avec son enfant, c’est sans doute celle de la sexualité. Peur de ne pas en parler correctement, de ne pas être légitime pour cela, de l’inciter, mal à l’aise avec ces questions intimes…

Les raisons de ne pas oser parler de sexualité avec son enfant sont multiples. Mais mieux vaudrait travailler sur soi pour parvenir à les surmonter, car le parent a un rôle à jouer dans l’éducation affective et sexuelle de l’enfant, il est complémentaire des “experts”, qui interviendront généralement à l’école.

Notons que l’on parle ici volontairement d’éducation affective et sexuelle, car celle-ci implique beaucoup de choses, comme la pudeur, l’estime de soi, le respect de l’autre, le consentement, la sexualité, l’image du corps, les émotions, les relations amoureuses, la vie de couple, etc. Voici, détaillées, quelques bonnes raisons, pour un parent, de parler de tous ces sujets avec son enfant.

Parce qu’il est en demande, et tant mieux

Pourquoi ceci, c’est quoi cela, ça veut dire quoi ceci… Il y a un âge, entre 2 et 4 ans généralement, où l’enfant commence à poser des questions. Et le domaine de la sexualité et de l’intime n’est pas épargné ! De “pourquoi les filles elles ont pas de zizi ?” à “c’est quoi être homosexuel ?” en passant par “est-ce que quand je serai grande j’aurai des seins ?”, les questions des enfants sur la sexualité surprennent souvent les parents, inquiets de les voir s’interroger si jeunes sur ce genre de chose.

Et ce désir de savoir, cette curiosité inattendue, se poursuit souvent jusqu’au collège voire au lycée, surtout si l’enfant devenu adolescent n’a pas reçu les réponses à ses questions.

Mieux vaut donc tenter d’y répondre, avec les mots adéquats à l’âge de l’enfant, plutôt que de le laisser seul avec ses questions qu’il finira par juger “honteuses” et taboues, puisque personne ne daigne lui répondre.

Cette curiosité intime et sexuelle est légitime, et ne s’oppose pas nécessairement au respect, à la pudeur. On peut être curieux et respectueux, curieux et pudique, souligne Maëlle Challan Belval, conseillère conjugale et auteure du livre “Osez en parler ! Savoir parler d’amour et de sexualité avec ses enfants”, aux éditions Interéditions.

Parce que l’école n’est pas toujours à la hauteur

En tant que parent peu à l’aise avec ces questions, on peut être tenté de se rassurer en se disant que l’école finira bien par aborder le sujet de la sexualité, et qu’elle le fera sans doute mieux que nous-mêmes.

Malheureusement, c’est rarement le cas. Si l’école a bien un rôle à jouer dans l’éducation affective et sexuelle de l’enfant, elle ne le joue pas toujours aussi bien qu’on pourrait le penser. Le manque de temps, de personnels qualifiés et volontaires pour aborder ces thématiques, voire la réticence de certains enseignants, peuvent faire obstacle.

Dans les faits, l’éducation à la sexualité fait bien l’objet d’une loi en France et ce depuis 2001. Mais celle-ci se limite souvent aux questions de biologie et d’anatomie, de grossesse, de contraception et des infections sexuellement transmissibles (IST), VIH/Sida en tête. Et elle arrive finalement assez tard dans la vie de l’enfant.

Résultat : si c’est la seule source d’information d’un préadolescent, ces leçons de sexualité risquent de le faire associer le sexe à quelque chose de sale, de dangereux, de “risqué”. En outre, il est souvent difficile pour un jeune adolescent de poser des questions intimes devant tous ses camarades de classe, de peur d’être moqué.

Parce qu’il faut nommer pour faire exister, interroger et protéger

Petite fleur, zézette, minou, kiki , foufoune… Si ce vocabulaire “mignon” peut, dans le cercle familial, être employé pour désigner le sexe féminin, il est pourtant indispensable de nommer les choses telles qu’elles sont.

Car nommer permet non seulement de distinguer (en différenciant les parties anatomiques, plutôt que mettre fesses et vulves dans le même panier), mais aussi de faire exister.

Une jeune fille qui n’aura jamais entendu le vrai mot pour désigner son sexe risque de ne plus employer de mot du tout plutôt que de se résoudre au mot d’enfant qu’elle utilisait jusqu’alors, ou pire, d’employer les mots vulgaires du vocabulaire collégien, pas toujours très respectueux (“chatte” notamment). Idem pour un garçon, qui mérite aussi de savoir que le zizi est en fait un pénis, et pas qu’une “bite”.

Par ailleurs, le fait de nommer les choses permet aussi à l’enfant de se faire comprendre, d’interroger les adultes quant à certaines pratiques, certains soucis intimes ou certaines attitudes abusives.

Maëlle Challan Belval rapporte ainsi le triste cas d’une fillette qui ne savait pas ce qu’était l’érection chez les garçons, et qui a alors avoué, en l’apprenant, que c’était ce qu’elle sentait lorsqu’elle s’asseyait sur les genoux du chauffeur de bus. L’affaire n’en est évidemment pas restée là et ce dernier a dû répondre de ses actes, tandis que l’enfant en a été protégée.

Il est ainsi crucial d’informer plusieurs fois l’enfant sur le même sujet pour coller avec l’âge de l’enfant, à ce qu’il est capable de comprendre et à ce qu’il se doit de connaître vu son âge. Les informations données à un enfant sur la sexualité doivent ainsi être actualisées, augmentées, enrichies à mesure que l’enfant grandit, un peu comme on lui achète de nouveaux vêtements à sa taille.

Parce qu’il sait déjà certaines choses, mais mal

Télévision, accès à internet et pornographie, livres, BD, cours de récré… La sexualité peut entrer dans la vie d’un enfant de multiples manières. Résultat : les enfants sont souvent exposés plus tôt que ne le pensent les parents, qui peuvent avoir tendance à les voir comme des “êtres innocents”.

En découvrant l’étendue des connaissances de son enfant, on peut se dire qu’il en sait déjà beaucoup, trop sans doute, et que par conséquent, on n’a pas besoin d’en rajouter.

Malheureusement, comme le souligne Maëlle Challan Belval, être exposé ne signifie pas être informé, ou du moins bien informé. “Les enfants ne savent pas parce qu’on a cru qu’ils savaient”, résume la spécialiste dans son ouvrage sur le sujet. A moins de laisser à son enfant un support pédagogique digne de ce nom, et d’en parler ensuite avec lui s’il le souhaite, les nombreux supports qu’il risque de croiser n’auront pas tous une vision réaliste, respectueuse, complète et non culpabilisante de la sexualité. “Le vernis pornographique, qui décourage parents ou éducateurs, est souvent un cache-misère”, déplore Maëlle Challan Belval, qui invite les parents à ne pas se décourager à informer.

Parce qu’en parler n’est pas inciter mais éclairer

En tant que parent, on peut craindre que le fait de parler de sexualité avec son enfant l’incite à passer à l’acte, lui “donne des idées”.

Selon une étude américaine de juin 2019 publiée dans le “JAMA” et ayant suivi près de 12 500 jeunes âgés de 9 à 18 ans, parler de sexualité avec ses enfants les incite à mieux se protéger, et n’avance pas l’âge de leur première fois. Les enfants ayant bénéficié de discussions ouvertes seraient en revanche plus susceptibles d'utiliser des préservatifs et d'être honnêtes avec leurs parents au sujet de leurs expériences sexuelles. La conversation sur le sexe a eu des bénéfices encore plus marqués lorsqu’elle a eu lieu avant l’âge de 14 ans, et lorsqu’elle a duré au minimum 10 heures au total.

L’éducation affective et sexuelle aura en revanche pour effet de faire réfléchir l’enfant, de l’aider à choisir, à se positionner, à mûrir… Bref, à devenir un adulte libre, responsable et informé.