Alimentation : les Ivoiriens et leur Attiéké-Garba

La Côte d’Ivoire est l’un des rares pays au monde où poussent et se développent la quasi-totalité des plantes. Cette disposition naturelle, lui offre un éventail très large d’aliments à consommer. Parmi ceux ci, nous avons l’Attiéké. Une semoule obtenue à partir du manioc dont la consommation à déjà dépassé les frontières ivoiriennes. Le Garba, l’un de ces dérivés, retiendra notre attention.

Aux alentours des établissements scolaires, des zones industrielles, dans les centres d’affaires, dans les quartiers, au détour d’un regard, vous tomberez net sur la présence d’un « Garbadrome » à Abidjan. Ces baraques dont la salubrité laisse à désirer, ne désemplissent jamais, ou du moins presque pas. A l’intérieur de ces endroits un vendeur, un homme, vous servira de l’Attiéké accompagné d’un morceau de poisson de thon frit, que vous aurez pris le soin de choisir, sur lequel il mettra du piment et une quantité d’huile très noirâtre à votre convenance. C’est cela le Garba !

Dans ce pays d’accueil qu’est la Côte d’Ivoire, le monopole de cette activité revient  aux seuls  Nigériens. Ils sont les seuls à détenir le secret de la réussite des « Garbadromes », appellation du lieu où l’on vend ce met. Les ivoiriens qui s’y sont essayés, se sont tous cassés la figure. Les amateurs de Garba préfèrent celui des « Haoussa », ethnie du Niger. En effet, Issiaka dit être dans ce secteur depuis qu’il est arrivé de son Niger natal en 1998. Après des années d’initiation auprès de ses frères, il s’est installé à son propre compte depuis 2005 dans la commune d’Adjamé à Abidjan. L’activité selon lui est rentable, mais nécessite une grande débauche d’énergie. « Tous les jours, je me réveille à 4 heures du matin pour aller chercher le poisson au port de pêche. Il faut faire vite parce que les clients sont là dès 6 heures,  et on est là jusqu’au soir à 20 heures». Effectivement pour avoir passé toute une journée avec Issiaka, on s’en  rendra compte. Six heures, dix heures, midi, seize heures et dix huit heures,  sont les heures auxquelles l’activité connait un pic. A ces heures, le  Garbadrome bouillonne de clients, chacun cherchant à se faire servir le premier, car il y a du poisson chaud.

En réponse à mes questions ce client, Roger, me dira « je suis un accroc de Garba, je le mange depuis que je suis petit. Je ne peux pas m’en passer, chaque jour il me faut manger du Garba ». Alain quant à lui évoque la raison économique « c’est pas cher, avec 200frs (CFA) on peut manger, contrairement à l’Attieké vendu par les femmes. Et puis, il y a toujours une envie de manger du Garba ». Revenant à Issiaka, pour savoir sa marge bénéficiaire journalière, celui-ci est resté très évasif. Toutefois, il m’a rassuré de sa rentabilité dans un français toujours approximatif. « C’est avec ça que je m’occupe de ma famille  au pays. J’ai déjà construit une maison là bas avec la vente du Garba ».

Ainsi, la vente de Garba est devenue un business très juteux pour ces hommes venus du fleuve Niger, cette autre région d’Afrique. D’ailleurs, la paternité de ce nom leur revient, et cela en hommage à Garba l’un des pionniers de l’activité. En outre, l’environnement insalubre dans lequel prospère cette activité, aura attiré notre attention tout au long de notre enquête.  Les Garbadromes ont ceci de commun, les odeurs des rejets du poisson thon, les odeurs de caniveaux sur lesquels ils s’installent  généralement et leurs cadres impropres. Mais rassurez vous, ces facteurs ne dérangent en rien la grande envie des clients. C’est comme cela qu’ils préfèrent tous le Garba ! C’est cela le charme curieux de ce met dira t-on. Pour autant, les autorités gagneraient à y jeter un coup d’œil, sans fondamentalement toucher à son existence. Les ivoiriens qui aiment bien leur Garba, lui auront dédié des chansons en bien d’occasions. C’est un syndrome le Garba, on a beau y renoncer, on y revient toujours.

 

Source : oeildafrique.com