Contraception : la pilule est-elle vraiment dangereuse?

« Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui des femmes athées et féministes se servent de méthodes de contraception naturelles, vérification de la glaire cervicale et température, prônées par les catholiques », s’amuse Sabrina Debusquat, journaliste indépendante et auteure de J’arrête la pilule(Les Liens qui libèrent). Un essai explosif sur les effets secondaires et dangers des pilules contraceptives. Des risques que beaucoup de femmes, qui comme Sabrina ont tiré un trait sur la pilule, ne veulent plus prendre.

Un livre qui soulève le débat

« Parler des effets secondaires de la pilule, ce n’est pas nier qu’elle a été une libération pour les femmes, tranche Sabrina qui assure avoir fait une enquête scientifique avec relecture d’experts. Mais on est pris dans des idéologies contradictoires. » Le sujet crispe et passionne. Quantité de gynécologues se sont émus que l’essai inquiète inutilement les 4,5 millions de Françaises sous pilule. Beaucoup accusent l’auteure d’avoir oublié des études rassurantes. « J’ai mis de côté celles entachées par des biais et conflits d’intérêts, se défend Sabrina. C’est intéressant de voir que les témoignages des femmes trouvent des justifications dans des études indépendantes. Je ne donne pas mon avis, je dévoile la face cachée de la pilule et ce que j’ai découvert ne m’a pas réjoui. »

La patiente doit pouvoir décider

Martin Winckler, ancien médecin, auteur et blogueur très au fait sur la contraception a refusé de préfacer l’essai. Selon Sabrina, il n’a lu qu’une première version non corrigée. Sur F acebook, il explique : « je ne suis pas d’accord avec sa position (« La pilule, c’est le mal ») ni avec son attitude, qui tend essentiellement à mettre toutes les contraceptions hormonales dans le même panier et à disqualifier ou inquiéter les femmes qui les utilisent. » Ajoutant : « Toutes les méthodes de contraception ont leurs avantages et leurs inconvénients. La meilleure est celle que la femme choisit en connaissance de cause et qui lui apporte le plus grand bénéfice. »
Une position partagée par Bernard Hédon, gynécologue à Montpellier. « Généraliser le stérilet ou la pilule n’a pas de sens. Ce qui est important, c’est d’avoir une palette contraceptive, informer la patiente des risques encourus pour qu’elle fasse un choix éclairé. » A condition que les médecins écoutent et reconnaissent qu’il y a parfois un souci… Car l’auteure, forte de 3.000 témoignages, dénonce le déni de certains médecins. « Quand j’ose dire que la pilule est un perturbateur endocrinien, on me tombe dessus, s’indigne Joël Spiroux de Vendômois, généraliste qui préface l’essai. Comme tout perturbateur endocrinien, il a des effets adjacents, il faut que les femmes le sachent. Cela ne veut pas dire qu’on est contre, je prescris la pilule à certaines patientes, mais qu’il faut être transparent. Après, on peut fumer et mourir à 90 ans, à chacun de faire ses choix. »

Des femmes meurent à cause de la pilule

A quels risques s’expose-t-on ? Dans cette opposition virulente, il y a tout de même un danger qui met tout le monde d’accord. « Le risque majeur avec les pilules œstroprogestatives, c’est la thrombose qui peut provoquer une phlébite ou une embolie pulmonaire, assure Bernard Hédon. Entre 10 et 20 femmes perdent la vie à cause de la pilule. C’est pourquoi la prescrire nécessite un interrogatoire précis. » Car il faut faire attention aux antécédents familiaux, au tabagisme, au surpoids.

 Quels liens avec le cancer ?

Plus inquiétant, le livre assure que des liens existent entre pilule et cancer. Selon une enquête canadienne, « 1 à 2 femmes pour 10.000 va développer un cancer du sein à cause de leur pilule oestroprogrestative, et environ 130 femmes par an en France en mourront, avance l’auteure. Ce chiffre peut paraître rassurant, mais les femmes en sont-elles conscientes ? » Sauf qu’il est bien compliqué de prouver qu’une pilule est à 100 % responsable d’un cancer…
« Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l’OMS ont déclaré la pilule œstroprogestative cancérigène classe 1 et ce n’est pas vraiment des lanceurs d’alerte ! », ironise le Dr Spiroux.
« Certaines études assurent que le risque de cancer de l’ovaire et cancer du côlon diminue avec la pilule », nuance Bernard Hédon. Dans cette bataille d’étude contre étude, difficile de tirer des conclusions claires. 

Des effets secondaires… et des avantages

Ce qui semble plus évident, c’est que les femmes souffrent d’une longue liste d’effets secondaires dits bénins mais désagréables. « Les effets secondaires sont multiples et variables selon la patiente : saignements, migraine, prise de poids, poils disgracieux, énumère Bernard Hédon. Et il faut en tenir compte, sinon la patiente risque d’interrompre sa contraception. »
« Les pilules contraceptives génèrent des carences en vitamines et en minéraux, ce qui peut expliquer des troubles de l’humeur, reprend Sabrina Debuquat. Quant à la baisse de la libido, c’est la conséquence numéro 1 qui ressort des témoignages et certains gynécologues la nient. Pourtant des experts utilisent le terme de "castration chimique" et des études montrent que la vascularisation du clitoris est diminuée sous pilule. » Mais Bernard Hédon regrette que certaines enquêtes oublient certains avantages de la pilule. « Les bénéfices outrepassent largement les inconvénients. Elle permet d’avoir des cycles plus réguliers, des règles moins abondantes et moins douloureuses, moins de migraines. A tel point qu’elle est utilisée à titre thérapeutique dans l’endométriose. »

Une recherche transparente ?

Mais au-delà de la pilule, l’auteure exige surtout que la recherche multiplie les enquêtes indépendantes et transparentes sur les effets à long terme… « Il faut des études poussées et transgénérationnelles car le cancer met des années à se déclarer, reprend le Dr Spiroux. Regardez ce qui s’est passé pour le traitement hormonal postménopause. La communauté médicale s’est rendu compte des effets sur le cancer du sein. » D’ici là, beaucoup de femmes risquent de jeter leur plaquette à la poubelle. Pour un peu d’aide, l’essai se clôt sur un tableau récapitulatif des avantages, coût et inconvénients de toutes les méthodes, y compris naturelles.
« Pas un médecin sur 100 n’est au courant de tout ce que révèle le livre », regrette le Dr Spiroux. Qui conseille aux lecteurs de prêter l’essai à leurs amies, compagnons et surtout gynécologues…

 

Source : AFP