Oustaz Koné Abou / Enseignant laïc et conférencier : `` Sans la femme le jeûne n’existerait pas``

Oustaz Koné Abou plus connu sous l'appellation Oustaz Koné Abou de Dabou est enseignant laïc de formation et conférencier. Il a senti le besoin de se consacrer à l’enseignement de la parole d’Allah, après quelques années d’exercices dans le domaine.

C’est ainsi qu’il s’est spécialisé en théologie générale, avec une maîtrise obtenue en Egypte. De retour au pays depuis 1997, il a intégré le bureau exécutif du conseil national islamique (CNI). Interview avec l'homme...

Bon nombre de personnes disent que vous êtes Imam. Qu’en dites- vous?

Oustaz est un mot arabe qui signifie formateur, enseignant, de théologie. Cela dit, il est possible d’être Imam sans être enseignant de théologie. Revenant au sens étymologique, à la signification réelle, Imam veut dire le guide, le modèle qui dirige. Cette étymologie trouve tout son sens dans le fait qu’à la mosquée, il est celui dont les gestes et actions sont imités. Mais mieux encore, l’Imam est celui qui guide toutes consciences, qui enseigne et donne toutes les règles de vie dans le domaine de la foi, de la moralité et du comportement, des pratiques religieuses et des rapports sociaux. Pourquoi n’existerait-il pas une autre mot plus englobant que ce mot imam, très simpliste. Au demeurant, on appelle souvent un Imam oustaz et vis- versa. Toutefois, force est de préciser que tous les oustaz ne sont pas Imam et tous les lama aussi ne sont pas enseignants.

Parlons à présent de la femme musulmane en période de jeûne. Quelles sont les obligations d’une femme musulmane envers son époux pendant cette période de pénitence?

Pour dire vrai et simple, en terme islamique, il n’existe pas d’obligations de la femme musulmane envers son époux. Tout le monde doit jeûner, puisque que dans ce contexte les pratiques et les mérites sont individuelles. La femme et l’homme sont en égalité dans l’application de la loi d’Allah et dans la vie conjugale musulmane. Qui plus est, il n’y a aucun texte qui oblige la femme musulmane à faire la cuisine ( bouillie de riz, de mil,...) ou puiser l’eau pour son mari.

Ha bon?

Oui. C’est juste une culture. C’est ce que nous sommes. Alors, qu’on soit musulman ou non, qu’on soit malinké, akan ou krou, la femme en Afrique est celle qui éduque, fait la cuisine et qui prend soin de l’environnement puis assure son rôle d’hospitalité de la famille. Dans le cadre islamique, les deux sont en égalité. Je le réitère, qu’il n’y a rien qui dit que la femme doit faire la cuisine.
Si on me demande relativement au mois de ramadan, en Afrique, notamment chez les musulmans ivoiriens, quel est le rôle de la femme? Je répondrai que, dans le mois de ramadan, la femme est l’alpha et l'oméga. Elle est en avant et à la fin du ramadan.  Elle est l’élément noyau. Elle est la première à se réveiller, bien avant le muezzin, la communauté et tous les autres membres de la famille. Elle ne dort presque pas de la nuit. En plus d’assumer les obligations quotidiennes diurnes et nocturne, elle doit pouvoir faire le repas. Elle doit se réveiller et préparer le bain de chacun quand elle est au sein de la grande famille de son époux. C’est elle qui propose les différentes mets du sahour, c’est-à-dire la nourriture servie avant la prière de 5h pour donner le droit du corps au corps. Et dans la journée essayer de revigorer l'âme. C’est encore elle qui, en fin de journée pour la rupture du jeûne, prépare tout ce qui est boisson, entrée, plat de résistance, et les desserts. Sans oublier que, parallèlement, elle a les mêmes obligations religieuses que l’homme.
La personne la plus émoussée pendant le ramadan en Afrique, c’est bien elle, la femme.  En Islam, en revanche, singulièrement en pays arabe, c’est l’homme qui est fatigué. Ce dernier est chargé de tout ce qui est externe ( achat, ou lourd pour faire venir les dépenses). Et il y a une personne, autre que la femme, est commise à la tâche pour les repas. Malheureusement, nous sommes prisonniers de notre culture parce que nous ne sommes pas des arabes, mais des ivoiriens et des africains musulmans. Nous ne devons pas nous fondre aux autres au risque d’être phagocytés. Il faut que nous gardions vaille que vaille notre entité qui fait notre valeur.

Quelles sont les dispositions qu’une femme musulmane, en période de menstruation, devrait-elle prendre pour mener à bien son jeûne?
 
Votre question est pertinente. Je dirai qu’une femme en période de menstruation ne jeûne point. À ce sujet, Dieu lui-même, lui a fait cette faveur. Lorsqu’elle est en indisposition rituelle et menstruelle, elle ne jeûne, ni  ne prie. Même après le jeûne, elle est  exemptée des prières ratées. Encore, il lui est formellement interdit de toucher même au coran dans ces moments d'impureté. Concernant les jours de jeûne ratés  durant les menstrues, elle est obligée de jeûner le nombre de jours qui manque selon la durée de ses menstrues. Cependant, à la fin du jeûne, la femme devra trouver un moment propice, à sa convenance bien sûre avant le prochain ramadan, pour rattraper les jours qu’elle a ratés au cours du ramadan et compléter son total de jours prescrits dans le Coran qui est  30 jours. Le faisant, elle honore son engagement vis à vis de Allah dans l’application d’un des cinq de l’Islam.
Hormis cela, elle doit s’acquitter de la zakat ou aumône légale  en utilisant les 2,5% de son économie, faire une fois le Hadj, sacrifice de son temps et de ses biens, en délaissant toute sa famille aller vers la maison d’Allah. C’est un sacrifice, un don de soi.

Est- il possible au musulman, durant le ramadan, d’avoir des rapports sexuels?

Oui, bien entendu. Les rapports sexuels sont autorisés pendant la nuit et non le jour. Comprenons bien les principes du jeûne. Il est bien dit rupture à partir du coucher du soleil. Jusqu'à ce qu’on prenne encore la nourriture entre 3h45 et 4 heures 30 minutes du matin y compris à 5 heures, qu’on entame une autre journée jusqu’à 18 heures 30 minutes. On redevient des gens normaux. La vie reprend, les familles se retrouvent. La nuit on est normal, on a des rapports selon les lois de Dieu. Pour toute fin utile, je voudrais revenir sur la femme menstruée. Elle peut embrasser, caresser son mari, ce sont des risques certes. Puisqu’elle risque d’avoir des rapports intimes en état de menstruation avec son mari ce qui est interdit, cet acte équivaut à la volonté manifeste de renier, de ne même pas croire en la révélation à Mouhammad, paix et salut sur lui…C’est, en un mot, rejeter tout l’Islam. Hormis cela, on partage toutes les actions quotidiennes.

En ce qui concerne les couples mixtes, comment devraient-ils s’y prendre, lorsque l’épouse n’est pas musulmane?

La femme demeure la femme quelle que soit la religion. Là où il y’a le hic, c’est lorsque la femme est musulmane et le mari est chrétien. À ce niveau, c’est déjà pas islamique. Ce mariage n’est pas islamique. Il n’est pas reconnu par l’islam, et ne l’est pas par le coran. Peu importe les lois : la torah, les psaumes, le coran, l’évangile ou des lois de l’ONU ou des constitutions de chaque pays, le mari demeure le chef de famille. Si le mari est musulman et que la femme est chrétienne, elle a les même droits et devoirs que la femme musulmane. Le mari a le devoir de surveiller sa religion. Si elle doit par exemple se rendre à l’église à minuit, elle a le droit à la sécurité. Son mari doit l’accompagner.

Certaines personnes sont irrespectueuses de ces règles…

Ces personnes sont juste insoumises. Vous êtes sans savoir que Musulman veut dire soumis. Quand vous n'observez pas de règles tant en matière de sexe, d’aliment ou de boisson, alors cela veut dire a cet instant que vous ne pensez plus à Dieu. Par exemple quand vous prenez l’alcool, l’Islam dit que avant que la première goutte ne touche votre langue, Dieu dit « je retire la foi de ton coeur ». Tant que vous couchez avec une autre femme qui n’est pas la vôtre, à cet instant là vous ne pensez pas à Dieu. Vous oubliez même,vous êtes dans les tentations, les passions, les désirs et les plaisirs. C’est après que vous vous souvenez de Dieu..

Sont-ils sanctionnés ou blâmés?

La communauté ne peut pas se substituer à Dieu. Elle ne peut guère vous sanctionner. Nul ne peut te blâmer. Cependant le coran, la parole de Dieu, peut. Donc personne ne peut décréter que tant que cette personne prie, jeûne, paie sa Zakaht, fait le hadj, respecte les autres règles, on ne peut pas décréter qu’elle n’est pas musulmane. Mais elle se trouve dans une position interdite. Et un jour le mari étant chef de famille, la vie devient difficile dans certains domaines. Le mari veut que tu lui prépares des pattes de porc, c’est ce qu’il a décidé de manger avec ses collègues. Vous refusez de lui obéir, de préparer, vous vous opposez à lui, vous vous opposez ainsi à Dieu. Vous obtempérez en préparant,vous vous êtes opposé à Dieu. Elle est en situation délicate. La femme musulmane fait la petite ablution et le bain rituel après les menstrues et après les rapports. Mais le mari n’en fait pas. C’est difficile de vivre sous l’ordre et le commandement de quelqu’un qui ne considère pas votre religion. On a de plus cher en nous, tout se perd, sauf la religion. C’est avec elle que nous nous présentons devant Dieu. Donc il ne faut pas vous amusez avec ce sur quoi vous serez interrogé par le Seigneur. Ces gens-là, à la maison n’obéissent pas aux règles, mais c’est eux-mêmes qui s’oublient. Les amis du mari viennent, ils veulent boire du champagne, de l’alcool, si elle sert, elle a désobéi à Dieu, elle ne sert pas, elle a désobéi à Dieu, parce qu’elle a désobéi à son mari.

On a remarqué que pendant ce mois, dans certains commerces, les gens sont désagréables vis-à-vis de leurs clients…Un mot la dessus.

Il y a ce que le jeûne apporte à l’individu. C’est un entraînement moral, comportemental, spirituel, externe, interne en moyen. Comme l'entraînement du sportif, avant d’aller jouer un match, vous vous entraînez à une vie de spiritualité, à l’endurance, à la maîtrise de soi, à la générosité , à la retraite spirituelle, à la retenue au niveau de la langue et du sexe, des yeux, de tes mains et de ton coeur. ces gens ont échoué quant à avoir de la maîtrise de soi, ils ont échoué quant à avoir une force sur leur propre volonté. Ça prouve simplement que le jeûne est devenu quelque chose de difficile pour eux et même une corvée. Sur 1000 personnes qui jeûnent, il y a une seule qui réussit. Celle-ci se retient en tout. Elle va même se coucher dans la mosquée pour éviter de voir ce qu’elle ne doit pas voir et dire ce qu’elle ne doit pas dire; le mensonge, la médisance, la calomnie et les jugements. Donc elle lutte contre la rancoeur. La lutte est au niveau de son coeur, au niveau de ses facultés pour avoir une répercussion sur son âme afin de revigorer et purifier l’âme. Mais non, c’est le mois de ramadan, il crache par ici, il se racle la gorge, c’est lui qui crie sur tous les toits ‘’je jeûne’’, c’est lui le coléreux, le bagarreur. Ceux qui font cela, ont échoué. et le soir, viande braisée, poulet braisé, bouillie de mil, de sorgho, de maïs, de riz, poisson frit, riz gras, riz gras sauvage, riz gras moderne… Tout est là pour les 30 cm3 d’intestin qu’il a. Mais l’espace est occupé, maintenant, il est là, il regrette. Oui ceux là, dans la vie, ils ne tiendront pas devant la tentation et les passions. Ca se voit. mais celui qui regarde tout, il prend une seule datte et rompt son jeûne, il va à la prière, il revient, celui-là est résistant. C’est pourquoi, on ne dépasse pas 2, 3, 4 ou 5 dattes. 3, ça a toujours été le maximum que le prophète Mouhammad, paix et Salut sur Lui, a utilisé.

Quels conseils pour les femmes musulmans pour ce mois de ramadan

Ce mois est un moment louable et de profit pour elle. Pendant cette période, la femme doit chercher la clef du paradis. La femme africaine a plus de chance pendant cette période d’atteindre Dieu que les occidentaux et les arabes. Gardez votre culture. La femme africaine qui pendant ce temps réveille tout le monde, et souvent dans le noir dans certains quartiers, il est risqué de sortir dans la pénombre. Mais elle affronte tout cela. Il faut imaginer la faim. Tout le monde a faim, chacun ramollit à ces heures là, mais il faut qu’elle aille au marché, au puits, il faut qu’elle aille à la quête de l’eau qui est rare ici aujourd’hui à Abidjan. Il faut qu’elle supporte les intempéries, qu’elle arrive à sentir l’odeur, à goûter sans avaler. Elle est au four et au moulin, c’est elle même qui fait le jeûne. Sans la femme le jeûne n’existerait pas. Personne ne pourrait jeûner sans la femme en Afrique.

 

Florence Bayala