La première Miss Japon métisse se bat pour la peau des autres

Lorsqu'elle a été sacrée Miss Japon, Ariana Miyamoto, une métisse de père afro-américain, de 21 ans, a été abreuvée d'injures sur Twitter sous prétexte qu'elle n'était "pas assez Japonaise".

Aujourd'hui, elle veut porter haut sa couronne au concours de Miss Univers 2015 pour vaincre les préjugés raciaux au Japon, à la façon dont Naomi Campbell a révolutionné l'image des mannequins dans les années 1980.

"Je suis pugnace", confie à l'AFP la reine de beauté.

"Je m'attendais aux critiques et je mentirais en disant qu'elles ne blessent pas du tout. Je suis Japonaise. Mais elles n'ont fait que renforcer ma motivation", témoigne-t-elle.

Née à Sasebo, base navale américaine proche de Nagasaki (ouest), où se sont rencontrés ses parents, Ariana a subi des brimades à l'école. 

Stupeur et calomnies 

Si la jeune Afro-Asiatique a participé au concours de Miss Japon, c'est à cause du suicide d'un ami de même couleur, victime du racisme ordinaire.

"Mon but était d'attirer l'attention sur la discrimination raciale", souligne-elle.

"En tant que première Miss Japon noire, je dispose maintenant d'un tremplin pour faire passer mon message. Il est toujours difficile d'être le premier et, à cet égard, ce qu'a fait Naomi Campbell était incroyable", complimente-t-elle. D'ascendance jamaïcaine, Campbell a été la première mannequin noire superstar depuis Joséphine Baker.

Ariana a mis le feu aux réseaux sociaux en mars en décrochant le titre de Miss Japon, beaucoup d'internautes se plaignant que la couronne aille à une "hafu" - de l'anglais +half+ (moitié) - à une "demi-Japonaise" plutôt qu'à une Japonaise "pure".

Dans la rue, on ne manque jamais de la dévisager, avec sa peau caramel et son mètre soixante-treize, et au restaurant, elle se voit systématiquement offrir un menu en anglais.

Parlant couramment japonais, elle reconnaît s'être endurcie: "Gamine, j'avais l'habitude d'être stigmatisée mais je suis devenue plus forte mentalement pour me protéger", se souvient-elle.

"Quand j'étais petite, je me distinguais des autres. Mais j'ai toujours senti qu'il fallait m'adapter. Je m'efforçais de ne pas me faire remarquer. Aujourd'hui, je dis ce que je pense et je fais ce que je veux", insiste la jeune métisse.

Faire une révolution 

Ariana rêve de "lancer une révolution". "Je sais bien que je ne vais pas changer les choses en un jour mais dans un siècle ou deux il restera très peu de +Japonais purs+. Il faut donc commencer à changer notre façon de penser", plaide la mannequin.

L'hostilité qu'elle rencontre contraste avec la volonté affichée par les autorités japonaises de promouvoir l'image d'un "Japon cool" et d'attirer les touristes étrangers, notamment à l'occasion des JO de Tokyo de 2020, pour des raisons il est vrai économiques.

Ariana Miyamoto n'est pas la seule métisse célèbre au Japon. La popularité de Rola, une modèle d'ascendance bangladaise, japonaise et russe, et de Becky, chanteuse pop et animatrice TV de père britannique, laisse penser que les mentalités évoluent.

Mais la diversité est toute relative. Afro-asiatique, Ariana regrette qu'en raison des préjugés anti-noirs, seules des Eurasiennes aient pour le moment une chance de percer au Japon, un archipel ethniquement homogène, longtemps isolé, où les enfants de mariages mixtes représentent 2% des naissances annuelles.

"Au Japon il n'y a pratiquement pas de mannequins ou d'animatrices TV noires", déplore-t-elle, avant de positiver: "J'espère contribuer à créer un Japon où tout le monde peut réussir".

"Il est possible que les plus conservateurs considèrent qu'Ariana Miyamoto ne convient pas à l'image traditionnelle qu'on se fait du Japon", admet la psychologue Yoko Haruka, une habituée des débats télévisés. 

"Mais c'est dû au choc de la nouveauté. Miyamoto a la chance d'être une pionnière. Et c'est une excellente occasion pour le Japon de s'intégrer dans la mondialisation", observe Mme Haruka.

Si elle devient Miss Univers, Ariana passera un an au coeur de New York, dans le faste de la Trump Tower - le magnat de l'immobilier américain qui parraine ce concours -, où elle gagnerait grandement en visibilité pour mener son combat.

Mais en dépit de ses nobles intentions, elle n'a - pour l'instant - pas l'intention de se lancer en politique.

"J'aimerais me servir de ma position pour devenir leader", sourit-elle, "mais je ne pense pas encore sérieusement à la politique. Il est un peu tôt pour envisager d'être Premier ministre".