Refus de paternité : quels recours pour les enfants ?

Quand un homme refuse de reconnaître un enfant, celui-ci, ou sa mère s’il est mineur, peut engager une action en recherche de paternité.

À la rentrée, Max fêtera ses 8 ans. Comme chaque année, il partagera son gâteau avec sa mère, quelques amis et ses grands-parents. Le seul absent sera son père qui n’a jamais souhaité le rencontrer, ni même lui parler. Depuis quelques mois, la mère de Max hésite. Doit-elle introduire une action en justice en vue de faire reconnaître le lien de filiation qui unit le père à son fils ?

Action en recherche de paternité : à partir de 18 ans

"Il faut être prêt à en assumer les conséquences, explique Me Élodie Mulon, avocate au barreau de Paris, car il n’est pas anodin de s’engager dans une telle procédure." Peu répandue, l’action en recherche de paternité appartient à l’enfant. Ce dernier peut agir à compter de sa majorité et pendant les dix ans qui suivent son 18e anniversaire. Toutefois, lorsqu’il est mineur, c’est à la mère que revient l’initiative de l’action. En qualité de représentante légale de l’enfant, cette dernière est autorisée à agir dans les dix ans qui suivent sa naissance.

Une fois sur deux, les enfants qui engagent une action en recherche de paternité sont nés de père "inconnu". Les autres cas concernent les enfants dont la filiation a été reconnue par un homme qui n’est pas leur père biologique.

Dans cette hypothèse, il faut introduire deux actions : "La première vise à faire tomber le lien de filiation qui existe entre l’enfant et l’homme qui l’a déjà reconnu. C’est ce que l’on appelle l’action en contestation de paternité, explique Me Mulon. À l’issue de cette procédure, l’enfant se retrouve dépourvu de filiation paternelle. Il peut donc engager une seconde action, destinée à faire établir le lien de filiation qui existe entre lui et son père biologique. Il s’agit de l’action en recherche de paternité."

La loi imposant que le premier lien soit rompu avant qu’un second soit établi, il convient d’exercer ces deux actions successivement. Pour des raisons pratiques et de coût, elles peuvent être introduites à l’occasion d’une procédure unique.

Apporter les preuves de sa filiation

"Bien entendu, il ne sert à rien d’introduire une action sans commencement de preuve", poursuit Me Mulon. Dans un premier temps, il est nécessaire de fournir au tribunal tout type d’élément susceptible d’établir que la mère et le père potentiel ont partagé une relation intime pendant la période de conception de l’enfant. Il peut s’agir d’une lettre, d’une photographie, ou même de témoignages (amis, collègues, voisins).

L’important, c’est que le document permette de prouver qu’à une certaine époque les parents se fréquentaient. Enfin, et si le couple a habité ensemble, il est très utile de produire le bail de leur ancien appartement, ainsi que des factures (électricité, assurances, mobilier) où figurent leurs deux noms.

Les tests ADN

"Lorsqu’il existe un faisceau de preuves, le tribunal ordonne une expertise, ajoute Me Mulon. Grâce au test ADN, le lien de filiation est soit réfuté, soit établi." Il arrive que le père prétendu refuse de se soumettre au test. Le juge peut interpréter ce refus comme un aveu implicite et l’obliger à assumer les conséquences de cette paternité.

"En matière d’examen génétique, la législation française est très stricte, rappelle l’avocate. Les tests ne peuvent être réalisés que sur autorisation expresse du tribunal." Cela signifie que la pratique qui consiste à prélever un échantillon d’un tissu corporel appartenant au père prétendu (cheveu…) et à le faire analyser par un laboratoire, à l’étranger par exemple, est strictement interdite en France. Il s’agit d’un délit passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 € (article 226-28 du Code pénal).

Lorsque suffisamment de preuves ont été réunies, le tribunal rend son jugement. "S’il estime que le père 'supposé' est bien le père 'biologique', la filiation est établie de manière rétroactive et reportée sur l’acte de naissance de l’enfant", explique Me Mulon.

Droits et devoirs du père biologique

Du fait de cette filiation, l’enfant entre directement dans la succession de son père. Ainsi, en cas de décès, il bénéficiera de la même part d’héritage que n’importe quel autre enfant de son père. Le plus souvent, les magistrats imposent au père d’assumer les conséquences de cette nouvelle paternité et le condamnent à participer aux frais d’entretien et d’éducation de son enfant, et à lui verser une pension.

"Au-delà des devoirs, la reconnaissance de paternité donne également des droits au père", rappelle l’avocate. Il arrive ainsi que le père sollicite un droit de visite et d’hébergement, ou qu’il demande l’exercice de l’autorité parentale. Les magistrats ne sont pas tenus d’y faire droit. "En effet, conclut-elle, seul l’intérêt de l’enfant compte." C’est pourquoi les magistrats jugent au cas par cas, indépendamment de toute pression sociale et familiale.

Action en recherche de paternité : la procédure

L’action en recherche de paternité doit être introduite devant le tribunal de grande instance du ressort du domicile familial. L’enfant (ou sa mère s’il est mineur) doit impérativement être représenté par un avocat. Le coût de la procédure oscille entre 1 500 et 4 000 €.

Entamer ce type de démarche n’est pas anodin et l’espoir de recréer un lien avec son géniteur n’est pas garanti. Voici les principaux avantages et inconvénients d’une telle recherche.

Pour :

- L’enfant peut enfin être reconnu par son père.

- La mère n’est plus seule à supporter les frais d’entretien et de scolarité.

- L’enfant devient héritier de son père.

Contre :

- La présence d’un avocat est obligatoire.

- La procédure est souvent longue et coûteuse.

- Lorsque la filiation est établie, rien n’oblige le père à voir son enfant.

 

Source : dossierfamilial.com