L’avortement illégal, calvaire des jeunes Ivoiriennes

En Côte d'Ivoire, le nombre d'avortements illégaux s'élève à près de 300 000 chaque année, dans des conditions dangereuses pour la santé. Les mineures sont particulièrement concernées, 76 % des Ivoiriennes qui mettent fin à leur grossesse vont encore à l'école d’après l’ONG Médecins du Monde.

De notre correspondant à Abidjan,

En cette fin de matinée, le soleil n’est pas tendre avec la population de Soubré, chef-lieu de la région de la Nawa, dans l’ouest ivoirien. Pour éviter ses rayons, plusieurs personnes, en majorité des femmes, se réfugient sous le préau de la cour intérieure de la mairie, en attendant patiemment que les divers services municipaux les reçoivent. Il faut arpenter les couloirs étroits pour échapper au brouhaha, et frapper à la porte du secrétariat, une pièce exigüe à l’air conditionné salvateur. Bernadette Oupoh en a fait son bureau, à la fois pour assurer le secrétariat de la mairie, mais surtout pour recueillir les femmes qui ont besoin de se confier.

Pour ces femmes, « Maman Oupoh », comme elles appellent affectueusement la quinquagénaire, est d’abord la président de la Coalition Namané, « Prenons conscience » en langue bété, un regroupement d’associations et d’organisations de la société civile engagées pour la réduction des grossesses non désirées, particulièrement chez les adolescentes et en milieu scolaire. Sous l’oeil attentif d’une spectatrice, la main posée sur sont bras, Mme Oupoh s’adresse tendrement à Mariatou*, 20 ans : « Il faut me voir comme ta maman. Tout ce que tu nous dis ne sortira pas de cette pièce. » La voix tremblotante, les yeux rivés sur le sol, l’étudiante en BTS Gestion commerciale semble lutter à prononcer le moindre mot, un sanglot ponctuant chacune de ses phrases.

Comme 290 000 Ivoiriennes chaque année, Mariatou a interrompu volontairement sa grossesse. Elle tombe enceinte alors qu’elle est encore au lycée. Elle choisit de ne pas garder l’enfant. Une décision prise en accord avec son petit ami de l’époque. « C’est seulement à six mois de grossesse que j’ai réalisé que j’étais enceinte, raconte-t-elle. Mon copain m’a accompagnée dans une clinique qui s’occupe des avortements, en me précisant de mentir sur la durée de la grossesse pour payer moins cher. Mais en m’examinant, le médecin s’en est rendu compte. » De clinique, l’établissement en porte seulement le nom, « ça ne ressemblait pas aux cliniques habituelles », de l’aveu même de la jeune femme. La lycéenne d’alors se rend une seconde fois dans cette clinique, seule cette fois-ci car son compagnon refuse de l’accompagner. Pour elle, le calvaire commence avec l’attitude du médecin.…suite de l'article sur RFI