Hallux valgus : pourquoi cette déformation du pied touche-t-elle à 90% les femmes ?

L'hallux valgus est une déformation du gros orteil qui s'installe progressivement. Douloureuse, mais aussi handicapante, elle touche environ un homme pour neuf femmes. Nous avons demandé à un orthopédiste d'où venait cette injustice.

Non seulement inesthétique, il peut aussi être très douloureux et handicapant. L'hallux valgus, qui signifie en latin "le premier orteil déviant vers l'extérieur", est une déformation qui touche, comme son nom l'indique donc, le gros orteil. Celui-ci s'oriente progressivement vers le deuxième orteil, poussant l'articulation à l'opposé. C'est ce qu'on appelle communément un "oignon".

Selon l'Assurance maladie, cette déformation touche environ 30% de la population, dont environ... 90% de femmes. Pourquoi une telle inégalité ? Nous avons posé la question à David Bonnet, orthopédiste et vice-président du Syndicat National de l’Orthopédie Française.

La forme des chaussures en tort

"Si les femmes sont aussi concernées par l'hallux valgus, c'est à cause de la manière dont elles sont chaussées", nous assure l'orthopédiste. "Le pied est par définition élastique et s'adapte à la chaussure dans laquelle il est enfilé. En soit, porter occasionnellement des chaussures à talon au bout pointu ne pose donc pas de problème. Mais à la longue, le poids du corps porté vers l'avant par les talons peut causer la déviation du gros orteil et la déformation de l'articulation." La ménopause, qui entraîne un relâchement des structures fibreuses, est aussi susceptible de favoriser l'élargissement de l'avant-pied qui, se retrouvant à l'étroit dans les chaussures, risque de se déformer.

L'hallux valgus peut également, dans 25% des cas, être héréditaire. "Dans cette situation, il peut toucher, au sein d'une même famille, les femmes comme les hommes", indique David Bonnet. Il peut enfin être lié à un mauvais positionnement du pied. "Un pied qui bascule vers l’intérieur chaque fois qu'il se déroule pour marcher va pousser le gros orteil vers l’extérieur. L'hallux valgus a cette fois une origine mécanique."

Une déformation progressive et douloureuse

La déformation arrive en général très progressivement, en fonction de la personne, mais aussi des chaussures qu'elle a l'habitude de porter. Les premiers degrés de déviation du gros orteil peuvent être très douloureux, l'articulation étant déformée.

Mais "une fois que 'le mauvais pli' est pris, l'articulation en elle-même n'est plus douloureuse", explique notre spécialiste. "Ce qui va l’être ensuite, c’est la compression de celle-ci par la chaussure". Se chausser devient alors une affaire complexe, le membre étant trop large et douloureux pour entrer dans des souliers conventionnels. "Il faut prendre une ou deux pointures au-dessus pour que l’avant pied rentre", indique David Bonnet.

Les différents traitements

Avant d'en arriver là, il est cependant possible d'agir. Chez les enfants et adolescents qui souffriraient d'un hallux valgus, le premier réflexe, insiste David Bonnet, est de consulter un spécialiste. "Si cela est dû à un mauvais positionnement du pied, cela peut se corriger avec le port de semelles. Et plus tôt cela est pris en charge, plus la correction est efficace."

Lorsque la déformation est récente (causée par l'hérédité, le port de chaussures pointues ou encore l'âge), il est possible de repositionner l'orteil avec une orthèse, sorte d’atèle rigide à porter la nuit. Ces dispositifs se trouvent en pharmacie, mais peuvent aussi être réalisés sur mesure chez un orthésiste. "C’est ce qu’il y a de plus efficace en termes de rééducation, lorsque la déformation est récente", assure l'orthopédiste.

Si l'hallux valgus est plus avancé, le port d'une orthoplastie, une petite orthèse en silicone également vendue en pharmacie ou fabriquée sur mesure par un spécialiste, peut permettre de bloquer son évolution. Elle ne se met non pas la nuit, mais la journée, dans la chaussure.

En cas de douleurs trop importantes ou d'une difficulté réelle à se chausser, l'opération est envisageable. "Les techniques opératoires vont varier en fonction de la déviation constatée et du chirurgien. En règle générale, ce dernier agit sur le premier métatarsien pour réaxer l’os", décrit l'orthopédiste. Malgré tout, et après un arrêt de plusieurs semaines suivant l'opération, le port de semelles est essentiel pour soutenir le pied et éviter que ne se reproduise la déformation. "Parfois, au bout de 5-6 ans, ça revient !"