Serviettes hygiéniques : et si on revenait à l`ancienne ?

« Une étude de l’UNICEF a révélé qu’une fille sur dix en Afrique manque l’école pendant la période des règles et cela se termine par des abandons scolaires. », a affirmé Emilie Kyendrebeogo Directrice de PALOBDE Services. Selon elle, l’utilisation des serviettes hygiéniques industrielles que nous connaissons, tous ne sont pas sans effet sur la santé humaine et environnementale bien au contraire. Afin de résoudre ce problème, l’entreprise PALOBDE fabrique des serviettes hygiéniques avec pour matière première le pagne tissé « Made in Burkina ». Dans le seul but d’apprendre davantage au sujet du produit, nous sommes allés à la rencontre de ceux qui ont eu l’initiative.

Présentez-vous à nos lecteurs


Je suis Emilie Kyendrebeogo, je suis la directrice de Palobdé Service, une entreprise qui fabrique des serviettes hygiéniques lavable.



Pourquoi PALOBDE comme nom de votre entreprise ? Parlez-nous de votre structure ?


Palobdé en langue mooré signifie : « ça ne se jette pas », et nos serviettes sont lavables et réutilisable. J’étais convaincu de l’idée de l’entreprise car je ne suis pas faite pour être dans un bureau jusqu’à ma retraite donc quand j’ai commencé à travailler dans l’humanitaire, j’ai vu qu’avec de petites choses on pouvait changer la vie d’une personne. Je suis aussi convaincu que notre mission sur terre c’est d’apporter quelque chose à autrui. J’aime la citation Dr Helen Keller : « nous ne sommes pas vraiment heureux, si nous n’apportons pas quelque chose dans la vie des autres ». Je voulais à un stade de ma vie arrêter, pour faire une entreprise qui exerce dans le domaine du social.
L’idée de serviettes hygiéniques lavables vient de mon histoire personnelle parce que j’ai beaucoup souffert de règles douloureuses pendant mon plus jeune âge et je sais ce que les filles ressentent et ce qu’elles vivent chaque mois. J’ai vu aussi que dans beaucoup de pays, qu’il y a des élèves qui n’ont même pas ce qu’il faut, et ne peuvent aller à l’école pendant cette période. En cherchant dans le domaine j’ai vu qu’il y a des filles qui ne peuvent même pas s’amuser pendant la récréation parce qu’elles n’ont pas sur elles le matériel adéquat, elles ont peur, elles ont honte, donc cela m’a beaucoup touchée. Je me suis dit que, vu que j’ai beaucoup souffert de cela, il était plus qu’impératif pour moi d’agir. Il y a eu l’appel à proposition du fond commun genre pour la promotion de l’entreprenariat féminin quand j’ai vu cela j’ai voulu tenter ma chance. J’ai été sélectionnée parmi 49 autres projets donc j’ai eu un accompagnement du fond commun genre pour la création de l’entreprise Palobdé. L’entreprise a été créé en février 2017 et c’est à partir de janvier 2018 qu’on est passé au stade de la vulgarisation à proprement dit, et la vente à grande échelle des serviettes.


Décrivez à nos lecteurs le type de produit que votre structure propose sur le marché.


Nos grand-mères, nos mères, actuellement beaucoup de femmes ont toujours utilisé des morceaux de pagnes pour se protéger pendant les règles donc c’est dans cette idée que nous avions utilisé du tissu fait au Burkina, et nous avons fait en sorte que le produit soit confortable afin d’éviter des fuites. On a voulu aussi qu’il soit écologique.

Les coûts sont-ils aussi confortables ?


0ui parce qu’on pouvait utiliser du matériel qui allait rendre le coût moins chère mais l’objectif étant d’utiliser des produits de chez nous, il n’y a pas de raison que l’on néglige notre Faso Danfani. Les trois serviettes dans le kit font 5000fcfa. Le kit est composé de trois serviettes, des inserts, et des sachets plastiques qui permettent de se changer en temps opportun. Pourquoi j’affirme que c’est accessible ? Parce que si une élève est capable de trouver 7000f ou 10000f pour s’acheter un portable, si elle est consciente que cela y va de sa santé, je pense qu’elle peut trouver 5000f pour s’en procurer. Aussi la durée d’utilisation des serviettes est de minimum deux ans. Sur la durée c’est moins cher et cela préserve sa santé.
Ecouler un produit est parfois complexe, quel est votre canal de distribution sur le marché ?
On a une page Facebook, que les gens visitent et parfois nous appellent pour avoir plus d’informations afin d’acheter le produit. Notre objectif est que dans toutes les grandes surfaces nous puissions trouver les serviettes hygiéniques lavables palobdé. Mais ce n’est pas comme un produit de consommation qu’on peut juste exposer, nous voulons à travers ce produit mener une sensibilisation. Ce n’est pas juste pour se faire de l’argent, palobdé service est une entreprise sociale. Nous avons commencé à travailler avec des institutions qui sont dans le domaine de l’émancipation et de promotion des femmes et des jeunes filles. Nous visons dans un premier temps les élèves pour que ce problème de déscolarisation soit résolu et pour l’instant on n’est pas dans les grandes surfaces. Nous sommes en train d’élaborer un plan de communication pour voir comment on peut être dans les grandes surfaces pour sensibiliser.



Un produit est toujours le résultat de la combinaison des efforts de plusieurs acteurs ? Combien de personnes œuvrent au fonctionnement de l’entreprise ?


Pour l’instant je peux dire que pour la production nous avons des femmes qui œuvrent à la production des serviettes. Il y a eu des moments où nous avons fait recours à des prestataires de services. Mais à temps plein ce n’est qu’une petite entreprise nous avons cinq femmes qui travaillent de façon permanente. En amont nous avions quelqu’un qui nous aide pour la communication, le volet santé, la formation sur l’hygiène et la sensibilisation. C’est du personnel qui n’est pas rémunéré mais qui fait partie de l’équipe de direction et qui m’accompagne pour la mise en œuvre de nos stratégies.

Des serviettes hygiéniques industrielles, vous vous en produisez avec du pagne tissé, la population adhère à cette idée ?


Je peux dire que oui car il y a plusieurs niveaux. Il y a ceux qui n’ont même pas le strict minimum sanitaire pour se protéger dans le milieu rural. Ensuite, il y a les femmes en milieu urbain qui se dit ‘’moderne’’. J’étais surprise de savoir que certaines ont déjà l’information sur l’existence des serviettes. Elles savent aussi que les serviettes industrielles qu’elles achètent en boutique ne sont pas de bonne qualité. Elles ne veulent pas déchirer le pagne.

Mais quelle solution ?

Il y a enfin des femmes qui à cause de certaines serviettes ont des allergies et utilisent déjà des pagnes. J’ai trouvé tout une famille qui utilise le pagne et elles étaient contentes de savoir que ça existe sous forme améliorée. Donc pour celles qui sont en milieux urbain, il n’y a pas un grand travail à faire car elles sont informées. Mais comment laver ces serviettes ? Je pense que si elles se soucient de leur santé elles en utiliseront. Sur la question de l’environnement les serviettes constituent un problème sur l’environnement. Une femme utilise en moyenne 10 à 15 milles serviettes au cours de sa vie. Essayons de voir à l’échelle du pays le nombre de serviettes qui sont déversées dans l’environnement, c’est immense.
Quels sont les avantages liés à l’utilisation de vos serviettes par les femmes?


Sur le plan économique, la production des serviettes crée de l’emploi, les femmes réussissent à s’occuper de leurs familles. Il n y a que des avantages en utilisant les serviettes hygiéniques lavables.

Les gynécos sont-ils informés de l’existence des serviettes hygiénique lavables pour palier le problème des allergies dû à l’utilisation des serviettes industrielles.

Oui parce que nous sommes allés voir les institutions et beaucoup de programmes dans le domaine de l’hygiène et de l’assainissement et nous ne pouvons plus parler de ça sans parler de l’hygiène menstruelle. Pour cette raison, nous les avons approchées. Nous avions aussi approché des gynécologues et actuellement nous sommes en partenariat avec l’institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) pour une étude sur les serviettes hygiénique lavables. L’IRSS est informé de notre existence. Depuis un mois palobdé service est passé à l’utilisation des pagnes tissés teint biologiquement. Actuellement nous avons le label bio. Nous sommes en partenariat avec un ingénieur textile d’Europe qui passe pour contrôler les pagnes que nous livrent les fournisseurs. Et selon leur rapport, les pagnes certifiés bio.

 Quels sont les conseils pratiques d’utilisation des serviettes à la jeune fille et aux femmes ?

Je dirai à tout le monde parce qu’avant, parler de ce sujet était très tabou. Maintenant ce n’est plus uniquement à la mère d’éduquer la fille mais aussi les pères ainsi que la société parce qu’il faut que tout le monde soit au courant. Toute la société est interpellée. C’est une période où il faut avoir l’information et accompagner les enfants car c’est toujours un sujet tabou. Lorsque l’encadrement n’est pas bien fait en ce moment, il y a certaines filles dont le comportement change. Il faut amener la jeune fille à savoir que ce qu’elle vit est normal et fait partie de la vie de la femme. Cela est inné. Pour l’hygiène de la jeune fille on demande à la femme de ne pas utiliser n’importe quel type de savon pour se laver les partie intimes notamment les savons parfumer. Ce qui est recommandé pour le lavage de nos serviettes ce sont les savons à PH négatif. Nous conseillons de ne pas utiliser de détergent.

 

Source : fasopic.net