Règles : ces activistes africaines en guerre contre la précarité menstruelle

Pour beaucoup de femmes à travers la planète, les règles c'est les crampes, les jambes lourdes, un mal être diffus et souvent inexplicable.

En somme, un moment pas très joyeux mais supportable. Mais pour 500 millions de femmes à travers la planète, ce moment du mois se vit dans d'interminables angoisses.

Car les règles sont sources de stigmatisations.

Bien qu'il s'agisse d'un phénomène naturel que toutes les femmes expérimentent pendant une grande partie de leur vie, les menstruations sont encore recouvertes d'un voile de honte et sont cachées.

Pourtant, une femme aura ses règles une fois par mois, pendant environ 35 à 40 ans de sa vie, ce qui représente environ 3000 jours - plus de 8 ans - de règles au cours de sa vie selon WaterAid.

Cette ONG ajoute qu'à tout moment, 800 millions de femmes et de filles dans le monde ont leurs règles.

Mais encore aujourd'hui, bien trop de femmes subissent cette expérience biologique naturelle au lieu de la vivre.

Ces Africaines en croisade contre la précarité menstruelle

En cause, les difficultés d'accès aux produits d'hygiène menstruelle, à des espaces privés pour les utiliser, les nettoyer entre autres.

Sans accès à l'eau potable, les femmes et les filles réutilisent des linges menstruels sales, ce qui les expose à des risques d'infection.

Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) définit la précarité menstruelle comme "les difficultés de nombreuses femmes et filles à se payer des protections hygiéniques à cause de leurs faibles revenus".

Mais cette définition ne prend pas en compte les stéréotypes, préjugés, fausses idées et informations qui circulent autour des règles, et qui concourent à faire de cette période du mois, un enfer pour bien trop de femmes et de filles encore aujourd'hui.

A travers l'Afrique, des initiatives citoyennes voient le jour avec comme ambition de sensibiliser les populations sur la précarité menstruelle, déconstruire les préjugés et stéréotypes autours des règles et tenter de fournir des produits d'hygiène économiques et écologiques aux filles et femmes sur le continent. En voici quelques-unes :

"Empower ladies"

L'association Empower ladies a choisi de faire de la précarité menstruelle son cheval de bataille.

Sa fondatrice Hamdiya Katchirika sillonne les lycées et collèges des villages du Togo pour sensibiliser les adolescentes ''parce qu'elles sont les plus vulnérables'' et leur fournir des protections.

"Il y a dans ce pays foule d'idées reçues et d'informations inexactes sur les menstruations nourries par les coutumes et traditions."

Hamdiya elle-même en a été victime dans sa jeunesse.”Quand j'étais plus jeune, lorsque j'avais mes règles mon père refusait que je cuisine pourtant nous vivions à Lomé et mon papa est ouvert d'esprit" raconte-t-elle.

Dans le cadre d'une Etude sur la Gestion de l'Hygiène Menstruelle (GHM) au Togo , 28% des filles interrogées ont ainsi déclaré que les règles sont des saletés de la femme, des déchets de l'organisme ou une odeur gênante.

Cette stigmatisation et cette précarité engendrent un certain nombre de conséquences.

''Démystifier le tabou qu'il y a autour des menstrues au Togo''

Lors de leur tournée dans le Togo profond, dans les villages de Dovikope, Kambole,Wahala, Agokpamé; Hamdiya et ses camarades de l'association prennent la pleine mesure du manque d'informations et des tabous autour des règles.

Les jeunes filles qu'elles rencontrent refusent même de reconnaître qu'elles ont leur menstrues.

''Il faut les mettre en confiance parce que lorsque nous parlons et elles refusent toutes de dire qu'elles sont réglées surtout s'il y a une présence masculine que ce soit leurs camarades ou les professeurs'' dit Hamdiya.

Une fois la confiance établie, les langues se délient, et les volontaires peuvent transmettre leurs messages à savoir que ''les règles c'est naturel, on a pas demandé à les avoir donc on ne peut pas avoir honte de cela, on peut se protéger, on peut prendre soin de notre corps pendant ce moment de notre vie ''.

La hantise de la fuite

Elles sont formées dans l'utilisation des serviettes hygiéniques jetables lorsque c'est la première fois qu'elles les voient et dans l'utilisation des serviettes lavables fabriquées et distribuées par l'association Empower Ladies.

Mais pour Hamdiya, le plus difficile c'est de lutter contre les préjugés car dit-elle, ils sont plus tenaces dans les régions reculées.

"Certaines filles par exemple quand elles ont leurs règles, elles ne doivent pas le dire parce que si elles le disent elles sont considérées comme impures."

"Il y en a qui ne vont plus à école parce qu'elles ont peur d'être tachées ou parce qu''on leur a dit qu'une femme qui a ses menstrues, tout ce qu'elle touche porte malheur. Donc elle se met à l'écart et ne peut même pas manger avec les gens. J'ai rencontré des filles qui m'ont raconté avoir vécu cela. Du coup certaines disparaissent pendant leurs règles, elles vont chez leurs amies ou des tantes, en tout cas loin des membres masculins de la famille, et les parents savent alors que c'est leur période du mois'' raconte la jeune femme.

La coupe menstruelle et les culottes lavables

Sarah Ekiund a créé l'entreprise Noble Cup dans son pays l'Ethiopie.

L'idée est partie d'un constat simple : en Éthiopie les filles n'ont pas toujours ou ont très peu accès aux produits d'hygiène menstruelle. Et la coupe menstruelle en particulier n'y est pas très connue.

Les produits d'hygiène menstruelle utilisés dans le pays sont surtout les serviettes hygiéniques et les tampons dans une moindre mesure.

''L'avantage de la coupe menstruelle c'est que c'est plus économique et plus écologique surtout dans les quartiers précaires'' avance Bénédicte Joan coordinatrice de Noble Cup en Côte d'Ivoire..

Une coupe menstruelle est un dispositif de protection hygiénique féminine utilisé lors des menstruations.

Constitué d'une petite coupe en forme d'entonnoir aux bords arrondis et terminée le plus souvent par une petite tige, l'objet est fait en silicone médicale. Lire la suite sur bbc.com