Ida Mabaya : « La Centrafrique peut s’exporter par le cinéma »

Avec « Yembi », la Centrafrique fait son grand retour au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou. L'occasion pour Ida Mabaya, l'une des actrices du long-métrage, de faire parler de son pays autrement que par la crise centrafricaine.

C’est avec un film 100% centrafricain que le pays fait son grand retour au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) – qui se tient du 23 février au 2 mars –. Yembi (« Aime-moi »), un long-métrage de 90 minutes produit par Eric Sabe, aborde la question des traditions familiales en Centrafrique. Le long-métrage, qui sortira en France le 30 janvier prochain, met en lumière une jeune personnalité locale, Ida Mabaya, qui campe le rôle d’une assistante de direction entraînée dans une histoire d’amour avec un homme marié.

Révélée au cinéma dans Bienvenue en France, de la réalisatrice centrafricaine Sylviane Gboulou, l’actrice montante entend faire parler de la Centrafrique autrement que par le conflit qui mine son pays. Rencontre.

Avec Yembi, la Centrafrique fait son retour au Fespaco avec une thématique forte : les traditions familiales. Était-ce un challenge pour vous ?

Dans ce film nous voulons faire passer un message fort sur des réalités actuelles en Centrafrique : le harcèlement au travail, dont on parle rarement, la trahison et surtout les traditions familiales. C’est un vrai défi de voir un film centrafricain concourir aux côtés d’autres œuvres africaines. Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la crise centrafricaine et les solutions qui peuvent y être apportées. On s’est dit qu’il était temps de faire culturellement quelque chose pour changer ces regards.

La crise centrafricaine a-t-elle eu un impact sur le tournage du film ?

Le tournage s’est très bien passé, y compris sur le plan sécuritaire. Nous n’avons jamais été exposés à un risque quelconque. On est sortis un peu de Bangui pour certaines scènes et cela a eu un effet positif, les gens ont aimé nous voir tourner un film. J’ai moi-même découvert beaucoup de choses sur le pays. Selon moi, la Centrafrique peut s’exporter par le cinéma.

Le cinéma reste un secteur encore peu développé en Centrafrique…

En Centrafrique, certains font de très bonnes choses mais les conditions ne leur permettent pas vraiment de se développer. Pour Yembi, nous voulions qu’il sorte d’abord en Centrafrique avant sa projection en France. Mais il faut savoir qu’il n’y a pas de salle de cinéma sur place… C’est grâce au soutien des autorités nationales et de beaucoup de partenaires que nous avons pu le projeter à Bangui, le 21 décembre 2018. Cela a été un vrai succès puisque beaucoup de personnes sont venues.
Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour relever le niveau du cinéma centrafricain. Je ne dis pas que c’est moi qui vais changer les choses mais, déjà, s’il n’y a même pas une salle de cinéma sur place, cela rend les choses très compliquées. Le réalisateur avec lequel j’ai travaillé sur Yembi est Centrafricain, il a déjà sorti plusieurs œuvres mais pourtant, on n’en parle même pas. On ne prend pas les gens au sérieux dans le cinéma. C’est malheureusement regrettable.

Vous avez principalement joué pour des réalisateurs africains. Est-ce important pour vous ?

J’ai surtout travaillé avec beaucoup de réalisatrices africaines, essentiellement en Afrique de l’Ouest, la Guinée, le Sénégal, le Burkina Faso, mais aussi l’Afrique centrale, le Cameroun et la Centrafrique. Je retiendrais six films dont La rupture de Victoire Diallo, une réalisatrice guinéenne et Envoie l’argent, qui a même participé au Festival de Cannes. Ces apparitions m’ont permis d’acquérir des expériences, de croire en moi, en ce que je fais et d’espérer faire mieux.
C’est le cinéma qui est venu à moi. Après des années en tant que mannequin [elle a commencé en 2011 avant de participer à des défilés à l’international, ndlr], j’ai été repérée par la réalisatrice Sylviane Gboulou. Ma première apparition en 2013 dans son film Bienvenue en France m’a donné l’envie de continuer à persévérer dans ce milieu.

Quelle est la place de la femme dans le cinéma centrafricain ?

Les femmes ont clairement leur place dans le cinéma en Centrafrique. Elles se battent tous les jours pour se faire valoriser, respecter et, surtout, pour garder cette place. Sylviane Gboulou, Habi Touré ou encore Pascale Gaby sont des femmes centrafricaines qui ont représenté la Centrafrique au niveau international à travers le cinéma. Les Centrafricaines ne sont pas prêtes à laisser leur place.

Après Yembi, quelle sera la suite pour vous ?

Eric Sabe et moi travaillons sur un projet d’une série télé qui parlera d’une Centrafricaine qui, après ses études en Europe, rentre chez elle avec des projets. L’idée, c’est de pousser les jeunes à revenir au pays et aider à son relèvement. Le tournage est prévu pour le deuxième semestre de 2019.