Zak Koné, créateur de mode : ``Malheureusement, en Afrique, les africains donnent plus de valeur à ce qui vient de l`extérieur``

Les matières, les couleurs et les formes font partie du quotidien de Zak Pelebe Koné, ce créateur averti et avenant dans le milieu de la mode et fondateur de la marque Pelebe. Des vêtements aux formes originales pendant aux cintres, des mannequins sont également habillés par des ensembles aux courbes originaux… C’est avec philosophie, passion que cet amoureux de la mode nous ouvre les portes de son métier dans cet interview qu’il nous a accordé dans ces locaux à Grand-Bassam.

Qu'est-ce qui vous a donné l'envie de faire du stylisme ?

Travailler dans la mode a toujours été pour moi quelque chose de logique. Je fais plus que du stylisme je fais de la mode. Je ne vais pas dire que j’ai baigné dedans mais j’ai été très influencé depuis mon enfance par les magazines que ma mère lisait. J’ai toujours été attiré par la féminité, la beauté, le style donc ça a toujours été quelque chose de naturel.

Avez-vous suivi une formation ?

Bien sûr ! J’ai d’abord appris sur le tas parce que les écoles de modes sont très chères à l’étranger. Et ici malheureusement, nos écoles n’étaient pas assez équipées pour faire réellement ce que je voulais. On a plus d’écoles de couture ici et moi j’avais vraiment envie d’apprendre plus que ça, plus que monter les vêtements. J’avais envie d’apprendre la matière, d’apprendre le style, d’apprendre l’agencement des couleurs, des matières, des saisons, des tendances… et bien d’autres.

Vous avez appris sur le tas, avez-vous travaillé avec certains stylistes ivoiriens ?

Aujourd’hui, elle est comme ma maman. Elle est mon mentor. Aya Konan, auprès de qui j’ai beaucoup appris, est au-delà de la couture. Avec elle j’apprenais surtout la finesse, la beauté, le design parce qu’elle est décoratrice d’évènement. Elle est designer d’intérieur, designer de bijoux, elle touche à tout ce qui est décor. Elle a sa ligne de bijoux qui est très connue. C’est en fait l’essentiel sur cette question et je précise que j’ai aussi appris avec des créateurs comme Gilles Touré, des personnalités comme Isabelle Moreno, Isabelle Anoh…
J’ai surtout appris ce métier sur le tas, via internet, à travers des stages en tant que petites mains dans les bacs styles de défilé comme ceux de Gilles Touré, Afrik Fashion d’Isabelle Anoh…

Quel est l'esprit de votre marque ? Et Comment définiriez-vous votre style ?

On essaie Chez Pelebe de promouvoir une certaine élégance. Je ne vais pas dire l’élégance africaine parce qu’on ne se base pas que sur l’Afrique. Il faudrait savoir que nous sommes surtout connues pour nos confections sur mesure en toilette de soie. Je veux parler des robes de soirée, des robes de cocktail, des robes de mariée. Et depuis deux ans, nous essayons de développer une ligne prêt-à-porter. Une ligne qui s'adresse à une production de masse dans une certaine élégance dans nos coupes, dans nos styles, c’est beaucoup de sobriété et tout se fait dans la manière de le porter, dans le look. C’est un petit BCBG à l’africaine.



Quels sont les modèles qui vous ont inspirés dans la vie ?

Tout m’inspire : l’actualité, une personne, un air du temps, l’époque victorienne comme la colonisation, la traite négrière…
En termes d’inspiration, je laisse mon esprit voyager et aller partout. Mon inspiration peut découler d’une conversation. Et le plus souvent, on me dit un mot clé et toute de suite mon esprit s'ouvre sur quelque chose.

Quel moment vous a le plus marqué de toute votre carrière de styliste ?

Je suis peut-être difficile à surprendre ou à impressionner (Rire). Je dis plutôt qu’il y a des hauts et beaucoup de bas, mais on se bat. On est animé surtout par la passion, par des rêves, des ambitions. Mais s’il y a un truc en particulier qui m’a marqué dans ma carrière, surtout dans mon travail, c’est de finir par me rendre compte que malheureusement on est dans un air en Afrique où les africains donnent plus de valeur à ce qui vient de l’extérieur. Et c’est vraiment dommage, et j’ai fini par me rendre compte de l’évidence. Et c’est quelque chose qui perdure et va au-delà de ce que vous pouvez imaginer. Cette situation on ne peut plus honteuse met à mal tout ce qui est métier artisanal en Afrique.

Ici, les artisans sont considérés comme des artisans (Rire). Pourtant, être un artisan c’est quelque chose de noble à la base. Mais ici, c’est encore considéré malheureusement comme un sous métier. Les valeurs sont encore difficiles à donner. On parle encore de beaucoup promouvoir les artisans. Il s’agit surtout de les promouvoir gratuitement. Car promouvoir un artisan, c’est déjà de donner de la valeur à son travail. Et la première valeur dans ce monde capitaliste dans lequel nous vivons, c’est de lui donner une valeur financière à la hauteur des heures de travail, de l’inspiration et aussi à la hauteur du travail des matières qui sont utilisées. C’est surtout un appel que j’ai envie de lancer et non relater quelque chose qui m’a marqué. J’ai eu de bonnes expériences, de bonnes aventures.

Comment se porte le monde du stylisme en Côte d’Ivoire ?

Mal, je dirai (Rire). Cela risque de choquer mais aujourd’hui il y a beaucoup de stylistes et de créateurs. Il y a de la place pour tout le monde mais la désorganisation, malheureusement, fait que nous n’avons pas encore décoller. Nous ne sommes pas encore un métier fédéré avec des exigences accrues au niveau de la formation sur laquelle nous devons mettre l’accent afin d’acquérir une bonne connaissance. Tout le monde, à l’envie, peut se lever et dire qu’il est créateur de mode, styliste, qu’il a une marque de vêtement.

Hélas oui, j’avoue, c’est ce qui fait justement qu’il y a de moins en moins de valeur accordée à ceux qui le font vraiment, à ceux qui se battent pour se former. Ils ne le font pas vraiment pour la célébrité ou pour gagner de l’argent mais parce que c’est d’abord une passion et après ça devient un métier et plus tard une ambition. Et pour cela, je ne pense pas qu’il y ait de nombreuses personnes qui aiment la mode mais qui ne sont pas fait forcément pour travailler dans la mode. Ils peuvent juste rester fashion victimes.



Quelles sont les qualités requises du styliste ?

Ce n’est pas sorcier. Il faut juste travailler et tous les jours vouloir être meilleur que la veille. Toujours vouloir donner le meilleur de soi-même. C’est ce qui nous permet de travailler dans la mode. Au-delà de la créativité, au-delà du style et du goût, c’est surtout le travail. Comment se réinventer ? Comment s’améliorer ?

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre métier ?

On a déjà un problème de formation. Nos collaborateurs malheureusement souffrent d’un grand fléau qui touche une fois de plus l’Afrique. C’est le sous métier dans le sens où toutes les personnes qui aujourd’hui travaillent en atelier en tant que petite main sont des personnes qui sont arrivées à la couture par nécessité et non par passion. EIles ne font pas forcément dans ce métier par amour mais plutôt par nécessité et c’est un mal. Parce que comme on dit dans le jargon : ‘’ils sont là pour leur agent ‘’ et non pour forcément sourire un très bon travail. C’est une mentalité qu’on devrait changer. Aujourd’hui, les gens devraient venir par amour du métier, créer un vêtement et accepter de monter sur des machines et travailler pour donner de la qualité, un made in Côte d’Ivoire qui serait mieux que ce nos prédécesseurs proposaient. Aussi, chez les africains il est très facile d’aller voir le couturier du quartier parce que le sur mesure n’a pas de valeur ici sachant qu’en Occident, se permettre de se donner les services d’un couturier peut coûter très cher donc les gens se rabattent sur les boutiques. Voilà une autre difficulté, pour le style africain, la mode d’Afrique, c’est que nous puissions aujourd’hui par la production de masse, nous imposer de créer des tailles en fonction de nos morphologies et aller dans la production industrielle. Qu’on puisse aujourd’hui financer des marques PELEBE, Loza Maléombho, Elie Kuame... pour les populations africaines pas forcément pour faire la promotion de la culture et de l’art africain. C’est important d’habiller nos populations, habiller notre continent avant de penser à imposer un style qui va créer des rêves, une vraie industrie. C’est très import de créer mais des marques habillent l’africain mais l’africain de tous les jours. Pas l’africain pour une robe de soirée, pas l’africain qui va à un mariage ou autre.

Que représente la femme pour vous ? Un mot en son endroit...

Je travaille avec beaucoup de femmes, je travaille beaucoup pour les femmes. Mes meilleures amies ne sont que les femmes, j’ai une mère, j’ai des sœurs. La femme est un être indispensable. Raison pour laquelle on lui dédie une journée. Il serait important pour chaque femme de savoir quelle est une femme de valeur, elle est une femme qui vaut quelque chose parce que si, elle est venue sur terre, c’est que déjà un, elle peut donner la vie. Mais quelqu’un qui donne la vie peut tout faire. Donc c’est à elle de se donner la place et la valeur qu’elle a dans le monde dans lequel elle vit.