Accouchement: Arrêt de dilatation à 8 centimètres

Quand une femme accouche, il arrive parfois qu’elle rencontre un plateau dans l’évolution du travail, c’est ce qu’on appelle dans le juron médical un « arrêt de progression ». Cela se produit quand le col cesse de s’ouvrir, c’est-à-dire qu’il reste à la même ouverture (dilatation) pendant plusieurs heures. Le plateau le plus classique dans le monde des naissances se présente souvent autour de 7-8 cm.  Selon mes propres observations, un plateau durent entre 4 à 12 heures. (Bref, tous est possible !) C’est une raison fréquente de transfert chez les sages-femmes et la cause de nombreuses interventions médicales, par exemple la rupture de la poche des eaux, la stimulation à l’ocytocine, ou même la césarienne. Laissez-moi vous présenter deux scénarios classiques de plateau à 7-8 cm.

Scénario 1 : Le col ne s’ouvre pas malgré des contractions puissantes.

La plupart du temps quand l’utérus semble contracter de manière rythmique et puissante, mais que le col ne dilate plus, c’est parce que le bébé est mal placé. En d’autres mots, parce qu’il cherche encore son chemin. *

C’est certainement le plus pénible des plateaux puisqu’il est souvent associé à de terribles douleurs au dos, aux hanches et à la symphyse. C’est d’ailleurs une des causes premières de transfert pour épidural parmi les sages-femmes. Tout le monde connaît une femme qui a dû transférer pour une épidurale à cause d’un bébé en postérieur.

Heureusement, il y a des façons d’aider bébé à bien se placer et permettre au col de continuer à s’ouvrir. D’ailleurs, je suis de celles qui croient avec conviction que si on met l’accent dès les premières contractions efficaces à favoriser une position optimale du foetus dans l’utérus, on évite souvent les longs accouchements et les plateaux à 7-8 cm. Dans ma préparation virtuelle à la naissance j’explique en détail quelles sont ces positions optimales. Les exercices de Spinning Babies sont aussi très pertinents dans un tel scénario, surtout la position avec la jambe dans le vide…

Quand le col refuse de s’ouvrir pendant plusieurs heures sous la puissance d’un rythme accru de contractions, on imagine facilement combien cette intensité peut devenir paniquante, exténuante et troublante pour la femme qui accouche. Quand le bébé refuse de se positionner malgré le courage héroïque de la mère, malgré les positions, les différents exercices et plus tard, les interventions manuelles comme la rupture artificielle des membranes (amniotomie)** ou la rotation interne du foetus, il n’est pas rare d’avoir finalement recours à d’autres interventions plus médicales comme « l’épidurale thérapeutique » (1), le forceps si la dilatation est complète, ou la césarienne si le bébé ne se place toujours pas.

* Rappelez-vous toujours l’importance d’un bébé bien aligné dans l’utérus. Quand le bébé est placé et bien aligné dans la glissade de sa naissance, on constate souvent que les longues latences laissent place au travail actif, ou que les plateaux à 7-8 cm se transforment en une dilatation rapide jusqu’à 10 centimètres.

** Il n’est pas recommandé de rompre la poche des eaux trop vite quand l’utérus contracte bien, mais que le bébé est mal placé. En principe, le fait que la tête du fœtus soit encore entourée de liquide lui permet de bouger plus facilement. Même si dans certains cas (plus rares) la rupture de la poche des eaux aidera bébé à se placer, il vaut mieux retarder au maximum l’amniotomie quand les contractions sont puissantes et que le bébé est mal positionné.

Scénario 2 : Quand les contractions s’arrêtent.

Dans un accouchement long, il est fréquent de constater que les contractions s’arrêtent si la fatigue maternelle est trop grande ou que le bébé est mal positionné. Oui, encore la position du bébé ! L’accouchement s’explique toujours par la dynamique du corps, du cœur et de la tête de la femme et de la position du bébé.

Une tête de fœtus qui appuie tout croche sur le col de l’utérus ne va pas faire dilater le col de manière cohérente, parfois même elle le fera enfler, souvent du côté où il y a le plus de pression.

Il y a des utérus qui contractent et des cols qui dilatent aussi lentement qu’une longue latence jusqu’à huit centimètres, et quand la femme arrive ENFIN à huit centimètres, il n’est pas rare de voir les contractions s’arrêter soudainement, comme si l’utérus en avait marre d’accoucher.

La physiologie de l’accouchement ne réfléchit pas comme un livre d’obstétrique. Le corps humain est une machine raisonnable qui priorise le bien-être maternel et fœtal.  C’est ce qui a toujours assuré la survie de notre espèce.

À l’accouchement donc, le corps priorise aussi ce qui lui semble le plus sécuritaire. Si par exemple il a fallu trente-six heures à l’utérus de la femme pour que son col se dilate à huit centimètres, il est tout à fait raisonnable que le corps priorise les avantages d’une longue sieste de quelques heures plutôt que les risques d’épuisement maternel ou fœtal de continuer d’accoucher.

Il n’est pas rare de constater dans les accouchements très longs que le corps prendra une pause de contractions autour de 7-8 cm et cela est tout à fait raisonnable. La meilleure chose à faire si la mère est le bébé vont bien, c’est de manger et s’hydrater, vider la vessie, fermer les rideaux et éteindre les lumières, sortir tout le monde de la chambre, se coucher dans une position optimale qui aider le fœtus à se placer (tel qu’expliqué plus haut), et DORMIR.

Quand on suit cette logique, on remarque le plus souvent que les contractions reviennent quand la femme a dormi d’un profond sommeil pendant quelques minutes à plusieurs heures. Il faut seulement être patient. Oui, encore la patience !!!

Aussi longtemps que la mère est le bébé vont bien, il n’y a aucune urgence d’agir autrement que de favoriser le confort de la famille, la sécurité, la réassurance et la confiance. Ce bébé va naître, il n’est pas très loin. Le corps a seulement besoin de récupérer pour resynchroniser ses hormones. Une fois l’homéostasie retrouvée, les contractions reprendront et le bébé va naître.

Un utérus n’est jamais synchronisé quand la femme est trop épuisée, qu’on lui fait peur et qu’elle panique. La femme a besoin d’être rassurée sur la normalité du processus, de même qu’encouragée à se détendre avec chaque pause que lui offre son corps. Quand les contractions reviennent, il importe je pense que la femme reste le plus possible dans des positions qui optimiseront l’alignement du fœtus avec l’utérus, du moins le temps de transcender le plateau. Au retour des contractions après une sieste, la femme recommence à respirer ses contractions comme elle sait si bien le faire, et elle laisser son col s’ouvrir. Quand les contractions reviennent et que le bébé se place après une pause de contraction, il n’est pas rare de voir que le col passe de 8 à 10 centimètres en quelques minutes seulement, ou dans l’heure suivant le retour des contractions.

(1) J’utilise le terme « l’épidurale thérapeutique » pour parler d’une épidurale effectuée dans le but de soulager les douleurs extrêmes d’un accouchement dystocique et favoriser le relâchement des ligaments et des muscles afin de permettre au fœtus de bien se positionner dans le bassin de sa mère.

Les touchers vaginaux, le temps et les chiffres

Une question s’impose quand on parle de plateau, celle des examens vaginaux. Si on considère la femme sur un plateau, ou en stagnation du travail, cela implique qu’on a mis nos doigts dans son vagin pour évaluer la dilatation de son col. Par exemple, à l’examen de 6h AM elle était à 7 cm, et à l’examen de 10h AM elle l’est encore.

Je trouve toujours pertinent de réfléchir la naissance autrement qu’avec le repère des  centimètres de la dilatation. Le 7 cm est peut-être le même à 6h qu’à 10h, mais la position du bébé peut avoir changée, la conscience de la mère peut s’être ramolli, le col est peut-être plus souple, etc. Il faut se méfier des conclusions que l’on porte à une dilatation qui reste la même, l’évolution d’un accouchement est bien au-delà des chiffres et du temps.

J’aime bien me rappeler que les femmes qui accouchent seules n’ont personne pour mettre leur doigts dans leur vagin et leur « expliquer » le mystère en cours, pourtant, elles finissent toujours pas accoucher quand même ! Pour ces femmes, les « plateaux » se vivent bien au-delà des chiffres et du temps…

Comme ma défunte amie Stéphanie St-Amant me disait juste avant de mourir « Quand une femme accouche le temps n’existe plus. C’est le miracle attendu. » C’est tellement vrai. Le jour où nous arrêterons de penser et analyser l’accouchement en termes de temps et de chiffres, les femmes pourront enfin accoucher librement, les professionnels de la naissance pourront enfin les accompagner avec confiance dans la sagesse de leur corps, et ce, sans les limites imposées par le paradigme médical.

L’accupression cervical

Bien que plus les années passent moins je suis portée à mettre mes doigts dans le vagin des femmes qui accouchent, (je crois qu’il y a mille autres façons d’évaluer une femme en travail que de faire un geste aussi intrusif) il m’arrive parfois lors d’accouchements très particuliers de faire quelques évaluations ou interventions avec mes doigts.

Ceci dit, cette année j’ai découvert intuitivement la technique de l’accupression cervical. Il s’agit de faire une pression douce et constate du bout de l’index et du majeur sur le col de la femme, on appuie doucement là où on sent une tension et une rigidité du col, puis on guide la femme à souffler cette partie de son col.

J’utilise cette technique pendant les plateaux justement, quand l’utérus contracte avec puissance, mais que le col refuse de s’ouvrir. Je dois l’avoir fait deux ou trois fois sur une cinquantaine d’accouchements l’an passé. (Comme quoi la plupart du temps la solution ne dépend pas des doigts de la sage-femme.) Chaque fois, c’était miraculeux. La femme soufflait son col au rythme de ma voix et de l’intensité : « Oui, là. Souffle là où tu sens que je pèse… C’est ÇA, cette rigidité qui retient ton col… Souffle-le… Oui ! C’est ça ! Quand tu fais ça, ça marche! » Et tout en douceur, à chaque fois après environ 15-20 minutes, le col était soufflé et la dilatation presque complète. Magique !

Ce n’est pas une dilatation manuelle du col, seulement une pression DOUCE et consciente avec le bout des doigts. C’est une manœuvre physique très quantique. Il me semble même que toutes les femmes m’ont dit que ça ne leur faisait pas mal, que : « Ça faisait même du bien ! » Une d’elles m’a dit que c’était presque sexuel comme ressenti.  En effet, accoucher c’est très sexuel et quand le col cède certaines femmes ressentent un orgasme. Les doigts de la sage-femme ou du médecin sur le col n’ont rien à avoir là-dedans…

La conscience des émotions.

On sait tous qu’accoucher est intense, que c’est un tout entre la connexion du corps de la femme, son bébé, sa tête et son cœur. C’est pour ça qu’il faut toujours penser au cœur et à la tête quand on rencontre un plateau dans un accouchement.

Que se passe-t-il dans le cœur de cette femme ? A-t-elle peur d’aller plus loin ? Si oui, de quoi a-t-elle peur ? J’ai déjà vu des femmes me dire au bout d’un long plateau « Je ne veux pas devenir mère ! » On a parlé, elle a pleuré, elle a compris qu’elle ne sera pas qu’une mère, qu’elle serait encore une femme avec tous ses possibles, puis elle a accouché.

Je n’en dirais pas plus sur le point des émotions. Seulement, il faut toujours y penser. Sans mettre tout sur le dos des émotions, il faut toujours les garder à l’esprit. La femme qui accouche a besoin de sécurité, d’amour, de bienveillance et de confiance. Celle-là qui vit et traverse un long plateau, encore plus !

Les plateaux, c’est une question de patience.

Oui la patience, toujours la patience, celle qui rime avec confiance et bienveillance. Accoucher est un processus, par une courbe que l’on dessine en corrélation avec des chiffres. La naissance est bien au-delà du raisonnement rationnel de la science moderne, c’est un processus primitif simple, logique, sexuel et instinctif qui ne s’explique pas en termes de temps ou de chiffres.

« Quand une femme accouche, le temps n’existe plus. C’est le miracle attendu. »

 

 

Source : karinelasagefemme.com