Sévérine : "Je suis née sans vagin et ne peux avoir d’enfant"

Je souffre d’une malformation très méconnue : le syndrôme de MRKH (Rokitansky-Küster-Hauser). En fait, je suis née sans vagin. Je m’en suis aperçue tard, quand j’avais 14 ans environ. Mes copines parlaient de leurs règles et moi…rien. Je n’osais pas en parler. A 15 ans finalement, j’en ai quand même parlé à ma mère et on a été voir un gynécologue. On a fait plein de tests à l’hôpital, scanner, IRM, écho… et c’est là qu’on a identifié cette malformation. Je n’avais pas de vagin. Ça a été un choc horrible pour moi et une grande honte en même temps. Je me sentais complètement anormale… Comment se sentir femme comme ça ? L’échographie avait montré aussi que je n’avais pas non plus d’utérus. Double choc. Mais je n’ai pas mesuré à l’époque ce que ça impliquait.

J’ai finalement subi une opération chirurgicale pour reconstituer mon vagin quand j’avais 18 ans. Cela devait me permettre de mener une vie normale, d’avoir des rapports sexuels normaux et de me sentir mieux. Je le croyais mais au-delà du physique, c’est surtout le mental qui ne va pas. J’ai mis plus de 4 ans après cette opération pour sortir avec quelqu’un. Pourtant, je suis plutôt jolie fille ce ne sont pas les occasions qui ont manqué mais c’était trop dur pour moi d’imaginer être avec un homme alors que je ne me sentais pas femme moi-même.

J’ai fait une longue thérapie pour accepter mon corps, mon identité. Le hasard a finalement bien fait les choses parce que j’ai rencontré mon amoureux à mon travail, tout simplement. J’avais 24 ans et ça a été le coup de foudre. C’était quelque chose de merveilleux qui m’arrivait dans ma vie, enfin ! Mais comme lui dire, à lui ? J’étais tétanisée. Mais j’ai fini par lui expliquer et il a été super. C’est lui qui m’a redonné confiance en moi, qui, à force d’efforts, m’a fait me sentir belle, me sentir femme, malgré cette terrible blessure que je garde. Bien sûr, je suis une femme à part entière mais c’est comme si j’étais marquée au fer rouge à vie. Je sais bien sûr que d’autres femmes en souffrent, j’ai fait des recherches sur internet pour m’informer, mais c’est quelque chose de très tabou, de méconnu et c’est difficile d’en parler.

Nos premiers rapports intimes ont été difficiles pour moi psychologiquement mais au fur et à mesure, l’appréhension s’est dissipée. Aujourd’hui, ça fait 4 ans que nous sommes ensemble. On s’aime toujours autant et on a une vie heureuse sauf sur un point : les enfants. Nous n’aurons jamais d’enfants. Sans utérus, pas d’enfant et aucun traitement du monde n’y changera quoi que ce soit. C’est une deuxième blessure, infinie celle-là. Mais j’ai la chance d’avoir un mari formidable (on s’est mariés depuis !) qui ne m’a jamais reproché quoi que ce soit. Malgré ça, ce manque d’enfant m’obsède et nous avons décidé de nous tourner vers l’adoption. C’est long et difficile. J’attends le moment où je pourrai accueillir notre futur enfant avec tellement d’impatience ! Je crois que seul un enfant pourra combler ce terrible manque que j’ai, gravé dans ma chair, dans mon corps. Me sentir mère. Ce mot m’évoque tant de choses que j’en ai les larmes aux yeux. Ma blessure sera toujours là mais je sais que je trouverai l’apaisement en me consacrant à ce petit être que j’attends plus que tout au monde...