Gymnastique: les victimes du Dr Nassar racontent leurs vies brisées ``à jamais``

Confiance "trahie", innocence "volée" et agressions sexuelles "des centaines de fois": les victimes de l'ancien médecin de l'équipe américaine de gymnastique ont livré mardi des témoignages déchirants au procès retentissant de Larry Nassar, qui encourt la perpétuité.

L'emblématique praticien de 54 ans est accusé d'agressions sexuelles sur plus de cent anciennes gymnastes, dont plusieurs championnes olympiques, pour la plupart très jeunes à l'époque des faits pour lesquels il a déjà plaidé coupable. Le médecin, condamné début décembre à 60 ans de réclusion pour détention de matériel pédopornographique dans un volet annexe de la procédure, se tenait mardi la tête baissée entre ses mains menottées, en tenue bleue de prisonnier, tandis que ses victimes racontaient au tribunal de Lansing, dans le Michigan, comment cette figure normalement rassurante a brisé leurs vies. Larry Nassar a "trahi ma confiance, profité de ma jeunesse et m'a agressée sexuellement des centaines de fois", a ainsi raconté Alexis Moore à la juge Rosemarie Aquilina.

"As-tu des remords pour tes actes et toutes les vies que tu as changées à jamais ?", lui a-t-elle ensuite demandé directement. Olivia Cowan, désormais mère de deux enfants, souffre elle du syndrome de stress post-traumatique et a peur de laisser ses filles aller à un anniversaire ou à une soirée pyjama.

"Si vous ne pouvez plus faire confiance à un docteur de renommée mondiale, à qui diable pouvez-vous faire confiance ?", a-t-elle lâché, en larmes. Par ses agissements, le médecin a "volé mon innocence bien trop jeune", a témoigné une autre ex-gymnaste, Jade Capua.

"Je suis vraiment fière de vous", lui a répondu la juge Aquilina.

"Votre cicatrice s'est muée en voix puissante." Selon le bureau du procureur général, une centaine de femmes et filles doivent livrer leurs témoignages lors de ces auditions qui pourraient s'étirer sur plusieurs jours, pour examiner comment le Dr Nassar a profité de sa relation d'autorité pour les agresser sexuellement sous couvert d'actes médicaux.

'Détruire ton monde' 

Le procès s'ouvre au lendemain d'un nouveau témoignage qui a fait l'effet d'une bombe dans le milieu de la gymnastique: la superstar américaine et quadruple championne olympique, Simone Biles, vient en effet de révéler qu'elle aussi a été victime du Dr Nassar.

Le procès du médecin, dont les agissements se sont étalés sur trois décennies durant lesquelles il a travaillé pour la fédération américaine (USA Gymnastics) et l'université d'Etat du Michigan, fait partie d'un scandale plus large qui touche la discipline aux Etats-Unis, minée par les accusations d'agressions et une omerta qui a longtemps permis d'étouffer les affaires. La déflagration de l'affaire avait notamment poussé le patron d'USA Gymnastics Steve Penny à la démission en mars dernier.

Le président de la fédération internationale de gymnastique, Morinari Watanabe, qui s'était rendu en décembre aux Etats-Unis pour soutenir la nouvelle présidente Kerry Perry dans sa volonté de réformer USA Gymnastics, a annoncé mardi dans un communiqué la création d'un organe indépendant destiné aux victimes d'abus sexuels.

"Chaque cas potentiel pourra être rapporté. Cet organe travaillera en étroite collaboration avec des experts juridiques et les autorités compétentes", a souligné le dirigeant japonais. Au tribunal du Michigan mardi, la première femme à avoir pris la parole n'était toutefois pas une ex-gymnaste. Kyle Stephens, dont la famille était amie de celle du Dr Nassar, pense que le suicide de son père - qui prit longtemps la défense du médecin - en 2016 est lié à l'affaire.

"Tu as utilisé mon corps pendant six ans pour ton propre plaisir sexuel", a-t-elle déclaré, reprochant au médecin d'avoir convaincu son père qu'elle était une "menteuse".

"Peut-être que tu as compris, depuis le temps, que les petites filles ne restent pas petites éternellement", a asséné Kyle Stephens à Larry Nassar.

"Elles grandissent et deviennent des femmes fortes qui reviennent détruire ton monde."

 

Source: AFP