«Nous faisons l’amour assez souvent, entre deux et trois fois par semaine, mais ça ne me suffit pas»

J’ai connu pas mal d’histoires d’amour dans ma vie, mais deux hommes font partie de moi. J’ai vécu pendant dix ans avec celui que j’appellerais mon mari. Je l’ai épousé, j’ai porté ses enfants, tout a été très vite, très intense.

Il m’a soutenu chaque minute de notre histoire; et surtout m’a aimé passionnément. Il avait un appétit sexuel débordant, insatiable. Chaque baiser, chaque effleurement de ma part déclenchait chez lui une envie de faire l’amour. Si je l’avais écouté, nous aurions fait l’amour trois ou quatre fois par jour, c’était un peu trop pour moi. C’était moi qui freinais un peu, je trouvais même cette libido un peu envahissante. Mais il faut être honnête, quel sentiment de bien-être, quel renfort de l’estime de soi que de se sentir désirée à chaque seconde. Et puis il a fait un AVC, il est mort en me laissant veuve, très jeune à 31 ans. Très vite, j’ai refait ma vie.  Mon premier amour est revenu dans ma vie. Il était l’homme que j’avais quitté car nous n’étions pas capables de communiquer: nous étions trop jeunes, trop têtus, nous ne voulions pas les mêmes choses au même rythme. Je l’ai quitté en pensant qu’il ne m’aimait pas et qu’il ne m’aimerait jamais. Et le voilà qui réapparait comme une évidence, il a attendu sans tenter réellement de refaire sa vie durant toutes ces années. Tout est reparti, si facilement, avec une telle évidence. Tout est parfait, et je ne m’imagine plus une seule seconde vivre sans lui. Nous n’avons qu’un seul souci, le décalage de libido, c’est comme si les rôles dans ma vie s’étaient échangés. Je suis devenu celle qui est en attente, celle qui a une libido débordante et qui se confronte à la libido moins active de l’autre. Nous faisons l’amour assez souvent, je dirais entre deux et trois fois par semaine. Mais ça ne me suffit pas. Je suis toujours en demande et ça en devient très frustrant. Mon ami a du mal avec les femmes entreprenantes, j’ai l’impression que cela lui met la pression et un allumage direct est la meilleure façon de me faire rejeter. Nous en avons discuté plein de fois, il fait des efforts pour ne pas me repousser de manière consciente ou inconsciente, je fais des efforts pour ne pas être entreprenante.

«Est-ce normal d’avoir toujours envie? Je me demande si ce n’est pas simplement une façon de me rassurer, d’avoir confiance en moi» Mais tout ça joue sur mon estime de moi, j’ai l’impression de devoir mettre un frein à ma fougue. Je suis dans le contrôle, à me demander ce qui pourrait l’inciter à me faire l’amour. Sans arrêt. Ça devient un enjeu pour moi, ça m’obsède. Chacune de mes actions en devient conditionnée. Ce que j’ose, ce que je n’ose pas.  Il me dit qu’il me désire, que tout va bien, qu’il a envie. Mais comme tout le monde, il est parfois fatigué, parfois préoccupé, etc. Mais pas moi, rien ne m’arrête. Je me demande si j’ai juste pris l’habitude toutes ces années, si c’est moi qui ai besoin de me remettre en question et de faire un travail sur moi pour ne pas être en demande tout le temps. Est-ce normal d’avoir toujours envie? Est-ce qu’un psy pourrait m’aider? Je me demande si ce n’est pas simplement une façon de me rassurer, d’avoir confiance en moi, au travers de son envie. J'en suis au stade où je me cherche une façon de me «calmer», parce que clairement je ne mettrai pas ma vie amoureuse en péril pour un peu de sexe en plus. Je n'ai envie que de lui, pas des autres, mais j'ai trop envie.

B.

Source : slate.fr